Après des années de surconsommation débridée, les citoyens confrontés au dérèglement climatique, au recul accélérée de la bio-diversité et aux inégalités croissantes comprennent et intègrent mieux l’impact de leur consommation sur la société et les écosystèmes humains et naturels.
Les 4 R
Les comportements minoritaires et souvent militants des 4 R : Réduire, Réutiliser, Recycler; Récupérer sont aussi en train de se généraliser.
Dans ce nouveau monde, la “durabilité” ou la “traçabilité” deviennent les cartes maîtresses au sein des populations urbaines des pays développés et le “design circulaire”, “le sourcing local”, les “sources alternatives de protéines” ou le “Flexible eating” remontent dans l’agenda des CEO des géants de la consommation et du retail. Ils constituent par ailleurs de formidables opportunités pour les acteurs de la food tech.
Emmanuel Faber CEO de Danone l’avait annoncé il y a quelques années
Yuka dit changez
Car le monde change, le 16 septembre Intermarché annonçait qu’il allait changer 900 de ses références mal notées par l’Application Yuka. Dans les pays développés, la façon de consommer est devenu un véritable marqueur d’identité. Comme le rappelait récemment Catherine Da Silveira ancienne de L’oréal et professeur à la Nova Business School dans Umanz
“La déconsommation touche les pays développés, elle est surtout le fait de groupes sociaux qui vont dépasser la fonctionnalité particulière des produits et qui n’ont plus besoin d’utiliser la consommation comme symbole de statut social”
En Suède pays pionnier de Flygskam (La honte de voler), c’est 23% de la population qui a réduit volontairement ses voyages aériens.
Raison d’être et mission
Alan Jope, CEO d’Unilever a bien compris que pour ce segment de consommation homogène, la raison d’être des produits et leur contribution écologique et sociétale devient “un aimant absolu”.
“Nous voyons une croissance spectaculaire sur les marques qui se battent pour une mission” a t-il précisé en marge du World Economic Forum. Une nouvelle raison d’être qui implique également dans le discours du CEO d’Unilever une mort annoncée du “Marketing d’Interruption”.
« Nous voyons une croissance spectaculaire sur les marques qui se battent pour une mission »
La nouveauté ? Aujourd’hui dans les pays développés, les consommateurs refusent de se sentir mal en raison de leurs choix de consommation. Et ce sentiment se répand dans toute les classes d’âge, même chez les Baby Boomer Anglais comme l’ont démontré les Plastic Attacks contre Tesco au UK
Et cette pression marche dans les deux sens car au sein mêmes des entreprises, les salariés refusent de travailler pour des marques indifférentes ou aveugles à la consommation éthique.
Côme de Cossé Brissac, auteur du manifeste étudiant pour un réveil écologique l’exprime clairement et calmement :
« Nous préférerions travailler pour des groupes qui refusent de contribuer à la surconsommation par leurs stratégies marketing et qui repensent la finalité de leurs produits »
La polarisation de la consommation : à l’est, que du nouveau
Pourtant, encore aujourd’hui, 60% du PIB mondial est généré par les consommateurs comme le rappelle Zara Ingilizian du World Economic Forum
Et à l’avenir, c’est 2 milliards de nouveaux consommateurs en Inde, en Chine et en Asie qui frapperont aux portes des retailers. Comme l’admet Alan Jope CEO d’Unilever “La Chine est en train de devenir la nouvelle zone de stabilité de la consommation mondiale”. Si la consommation n’est pas menacée la question de son impact sur l’environnement reste en suspens…
Parallèlement les demandes des consommateurs schizophrènes ne ralentissent pas : le développement de l’instant gratification, de la personnalisation, de l’abonnement aux produits récurrents et l’omni-experience sans friction facilitée par la technologie sont-il vraiment compatibles avec l’urgence d’une consommation responsable ? Le combat du prix juste semble plus atteignable.
Du juste prix au prix juste
“Les consommateurs sont désormais près à payer le prix de produits éthiquement responsables” répondent en public les grands leaders FMCG. L’affirmation à prendre avec précaution devient de plus en plus vraie particulièrement chez les segments jeunes, féminins et éduqués.
Le nouveau risque réputationnel : le spectre du “Branded Liter”
L’effet d’une visite de grande capitale accompagnée par les déchets de la même marque de Chips ou d’une nage dans des bouteilles plastiques de Coca est le même : détestable pour les consommateurs.
Récemment en marge de Davos, le même CEO d’Unilever s’alarmait de la pollution plastique et de son risque d’être assimilé au business du “Branded Liter” (NDLR…Les ordures de marques). “Nos engagements en termes de rejets plastiques pris seulement il y a deux ans me paraissent complètement périmés” admettait-il sur scène.
L’heure est donc à l’accélération.
L’ère des CCE bouleverse durablement la consommation
L’exigence des citoyens-consommateurs-employés est donc montée d’un cran. Parallèlement les géants de la distribution et de la consommation ont compris qu’ils étaient à la fois les garants et les premières victimes de dégradation des communautés dans lesquels ils prospèrent.
En bref, ils intègrent désormais l’avertissement d’Alex Steffen, Expert Climatique :
“Chaque économie non durable devient une pyramide de Ponzi intergénérationnelle”
Et, in fine, si le choix et la confiance demeurent des constantes de la consommation, ils ont juste – dramatiquement- changé de sens.
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