Quand on aura remboursé l’appart,
Quand les enfants seront grands,
Quand j’aurai couru un marathon,
Quand j’aurai rencontré la bonne personne
Quand j’aurai perdu cinq Kilos
Quand j’aurai atteint le bon niveau de salaire,
Quand je serai à la retraite,
L’un des écueils les plus fréquents dans les décisions de vie est le Mythe de l’arrivée. On pense que dès que l’on aura passé tel ou tel cap, les choses vont miraculeusement s’emboîter et votre vie prendre un sens nouveau. La “vraie vie” va commencer, vous allez enfin pouvoir prendre ce fameux tournant.
Ce mythe de l’arrivée a été isolé par Tal Ben Sahar, psychologue à Harvard qui en donne la définition suivante : « le mythe de l’arrivée est cette illusion qu’une fois que nous avons atteint notre but ou notre destination, nous atteindrons un bonheur durable ».
La vérité est que la vie ne cesse de repousser nos lignes d’arrivée et de produire de nouveaux désirs extrinsèques. Et l’illusion profonde du mythe de l’arrivée est que la réussite extérieure peut venir combler un vide intérieur. Que les désirs minces ou mimétiques pétris d’anxiété statutaire peuvent prétendre supplanter les désirs profonds. La fameuse ligne d’arrivée est un mirage qui recule à mesure qu’on avance. Nous courons après, haletants, les yeux brillants d’envie, les mains tendues vers ce rien.
L’insatisfaction chronique des désirs minces
On sait pourtant que la satisfaction d’un marathon ne dure que quelque jours et que celle d’une hausse de salaire ne dure que deux mois, alors que courir régulièrement vous rend plus heureux.
Mais le mythe de l’arrivée est un mythe très courant et c’est ce qui le rend d’autant plus dangereux car il agit comme un effaceur de passé et un destructeur de présent.
Tendu vers l’arrivée, on oublie d’apprécier le paysage. En ce sens, le Mythe de l’arrivée est un tueur de moments heureux car nous sommes en permanence tendu vers un but illusoire qui ne nous satisfera jamais.
Et c’est précisément là que le mythe de l’arrivée est particulièrement nocif. Ultime sophistication de la modernité liquide, il nous empêche à la fois d’apprécier le sel de la vie, la beauté du chemin mais aussi de faire le vrai travail introspectif susceptible de nous amener une nouvelle clarté. On réalise trop tard que la vie n’est pas une To do List ni un meuble à monter soi-même.
Dans une économie dopée à l’insatisfaction, le marché de l’insuffisance est roi. C’est pourquoi toute une industrie et une coterie consacre ses ressources à manufacturer des désirs synthétiques. Le triste constat d’Edward Norton dans Fight Club n’a rien perdu de sa troublante vérité : “Nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin avec de l’argent que nous n’avons pas pour impressionner des gens que nous n’aimons pas”. Mais, dans un monde post-extractif et post-performatif, l’industrie de l’insatisfaction n’est plus une idée durable.
Heureux Quand = Heureux Never
“Surtout vous ne fixez pas de but.” j’avoue que j’ai mis du temps à comprendre le premier conseil de vie de l’acteur Britannique de Stephen Fry. La vérité est qu’il faut s’extraire du mythe de l’arrivée comme de la roue d’un hamster. Un geste souvent tardif qui nous invite précisément à découpler le bonheur des buts extrinsèques.
Il s’agit pour cela d’ouvrir le temps en dehors des ces “scripted spaces”, ces espaces scénarisés et de rechercher les jeux infinis des gens longs.
In fine, le mythe de l’arrivée est un mauvais shopping de futur, un terrible arbitrage sur l’avenir car il nous prive de notre ressource la plus précieuse, une ressource non renouvelable et limitée : le temps.
La pire chose qui puisse vous arriver et de rejoindre la triste cohorte des « Heureux Quand« (les Happy When comme Shane Parrish les appelle. Une vie n’a jamais été une option à hedger.
C’est l’avertissement et la terrible leçon à méditer que nous offre le compositeur Meredith Wilson :
“Vous entassez des rêves de lendemains et un jour vous vous réveillez avec des hiers vides.”