Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe - Umanz

Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe

Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe

C’est une injonction mystique qui vient du fond des âges, dans la bible Dahar signifie à la fois dire et faire…Le nom et le verbe.

Chez Goethe les premiers mots de Faust sont : “Au commencement était l’action”.

Chez les Indiens Potawatomi les mots sont encore animés, gorgés de vie, le mot correspondant à un fruit s’apparente plutôt à “être un fruit”. Dans certaines langues, les mots portent encore en eux la vie qui les anime.

Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe.

Au moyen âge les compagons de 12 à 14 ans passaient sept ans en apprentissage chez un artisan avant d’aller, de ville en ville, peaufiner leur savoir. Ce n’est qu’après ces étapes qu’ils étaient autorisés à réaliser un “chef d’oeuvre.”

En 1841, un homme s’embarqua à l’âge 21 ans pendant 18 mois sur le baleinier Acushnet, 10 ans plus tard Herman Melville écrira le mythique Moby Dick.

Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe.

Il y a donc une résonance mythique dans cette phrase que j’ai retrouvée chez Cathie Black, Stephen Fry et Ryan Holiday. Et on y trouve une profonde logique : aucun de nous n’a appris le vélo dans un livre et un boulanger doit savoir pétrir le pain, un comptable compter, un avocat défendre, un jardinier jardiner, un juge juger.

Mais cette phrase prend une résonance tout à fait particulière dans la modernité liquide où les injonctions à devenir ceci ou cela, boursouflées par les réseaux sociaux, sont multiples mais où de moins en moins de gens se risquent à faire.

Il y a une guerre contre le verbe.

Nous sommes entrés dans une société qui nous force à mimer (mèmer?) une identité avant d’avoir fait le lent travail du faire. Ce faire qui mène à l’être.

En bref, les gens veulent le titre sans le geste.

À force d’évoluer dans l’espace magique qui existe entre le nom et le verbe on s’aperçoit que souvent le nom est, paradoxalement, ce qui nous retient de faire le travail alors que le verbe est le travail lui-même. On rêve le nom sans faire le verbe car souvent on ne veut pas la vie qui va avec.

Tu ne peux être le nom sans être le verbe

Mais par la suite on apprend à se méfier des ces métiers à plusieurs zéros qui, bizarrement ne t’offrent aucun verbe mais qui offrent des noms à rallonge. Des noms creux – que ne comprennent pas tes parents- et qui ne sont souvent que des hochets interchangeables, paradoxes d’une société qui semble mépriser le faire.

C’est aussi pour cela que la phrase obsédante que pose l’économiste Tyler Cowen aux invités de son Podcast : “quels sont, chez toi, l’équivalent des gammes de piano ?“ résonne si fortement en moi.

Et c’est à cela qu’il faut se résoudre dans tous les sens du terme. Chercher le verbe derrière le nom. L’incarner encore et toujours.

Peut-être un jour pourrons nous créer notre propre verbe.

Tu ne peux pas être le nom sans être le verbe.

Quel est ton verbe ?

Patrick Kervern