Le problème, je le sais maintenant, est que personne ne se sent vraiment sage, surtout pas ceux qui en ont vraiment envie. La version adulte de soi-même de notre imagination ne correspond jamais tout à fait à la version adulte que nous devenons réellement. Au lieu de cela, elle plane perpétuellement au loin comme un mirage d’autoroute. C’est la destination qui ne se rapproche jamais, même si nos histoires de vie s’accumulent derrière nous dans le rétroviseur. C’est la raison pour laquelle j’ai atteint la quarantaine sans jamais ressentir la trentaine.
C’est pourquoi j’espère que si j’arrive à 80 ans, j’aurai le bon sens de ne pas ressortir ces vieux CD. Mon cœur, à ce moment-là, ne pourrait sûrement pas s’empêcher d’imploser. Si mon cœur, à l’époque, était resté en un seul morceau, aussi débordant d’impatience qu’il était c’est parce qu’il n’avait pas encore été tendu par la nostalgie. Il n’avait pas encore compris que la vie est avant tout un exercice pour être autre chose que soi-même, tout en demeurant fondamentalement – et parfois d’une façon exaspérant – qui nous sommes.
Meghan Daum : “The unpseakable”