Ancienne de Microsoft et d’Areva, passée par les Restos du coeur, Marie Augereau , coach et fondatrice de Good Coaching est une spécialiste des carrières et de l’accompagnement des dirigeants.
Elle a accepté de répondre à nos questions sur les évolutions des parcours professionnels à l’ère des carrières spaghetti.
Umanz : Quelles sont les tendances en matière d’évolution des carrières ?
Marie Augereau : Tout a changé dans les carrières et ces évolutions touchent deux tranches de personnes en particulier.
Les moins de 35 ans pour qui l’argent n’est plus le but ou la question. Une génération qui se demande fréquemment : “quand je rentre est-ce que je suis fière de ce que j’ai fait dans la journée, est-ce que j’ai fait un monde plus juste et est-ce que cela me donne envie de passer un moment positif avec mes amis” ? Cette génération est fortement imprégnée d’écologie et aspire à une économie plus solidaire. Elle n’est pas prête à lâcher sa personnalité contre de l’argent. Elle représente 40% des personnes que je rencontre.
L’autre groupe est constitué des salariés de plus de 50 ans qui “n’ont plus les rênes” et qui sont prêts à prendre des risques, à tout remettre en question, quitte à jeter le bébé avec l’eau du bain pour retrouver une liberté. L’interrogation qui revient le plus souvent dans ce groupe, soit 60% des cadres de cette tranche d’âge que je rencontre, c’est : “comment j’ai pu faire pour tenir aussi longtemps ?”
Ces évolutions ne sont pas toujours bien comprises par les structures en place même celles affichant un “management disruptif”. Car ce que renvoient ces deux tranches d’âge c’est un rejet des ces entreprises à formules monolithiques qui veulent faire plus d’argent, en dépensant moins et en travaillant plus.
Umanz- Que conseillez vous aux entreprises confrontées à ces interrogations et quêtes de sens ?
Marie Augereau : Cette aspiration ancrée dans ces deux classes d’âges est signe que ces personnes ont un potentiel et qu’il faut cesser de les considérer commes des “gens à problèmes”.
Il y a beaucoup à apprendre et à gagner à écouter les émotions dans l’entreprise et les subtilités de leurs expressions. Il faut donc considérer ces personnes comme de véritables ressources et accompagner leur potentiel en leur permettant d’être eux même pour être mieux.
Je suis convaincue que les talents qui apportent leur unicité à l’entreprise y donneront beaucoup plus que leur temps. In fine, Il y a plus de puissance dans l’auxiliaire être que dans l’auxiliaire avoir.
Il faut donc faire bouger les lignes, savoir lâcher la peur comme driver et les résultats obtenus dans la douleur.
Umanz – Que conseillez vous aux salariés dans ces deux tranches d’âge ?
La première étape est de se rassurer sur son socle. Accepter son parcours y trouver ce qu’on a aimé. Ne pas minimiser ses atouts et ne pas se mesurer aux autres car on trouve toujours mieux que soi.
Réfléchir à l’Ikigai, l’intersection entre ses talents, ce qu’on aime faire, ce qui a une valeur et ce dont le monde à besoin.
Je leur pose cette question parfois déroutante : combien de vies a-t-on ? J’essaye aussi de réfléchir à l’écologie de la famille car ces choix et ces aspirations font souvent bouger les choix familiaux.
Umanz- Quelles évolutions voyez vous se dessiner en termes de RH ?
Nous sommes pris dans un engrenage où beaucoup d’entreprises n’arrivent plus à sortir du “plus de ce qu’on fait déjà” et bougent de plus en plus vite sur des modèles datés. Le résultat est une paralysie, un sur-place délétère qui s’apparente à l’homéostasie.
Or, j’estime que l’on sort d’une aire du factuel et des chiffres et donc aussi des clones moulés tous sur le même modèle. J’invite les entreprises à accepter le test & learn en matière de ressources humaines, réintroduire des profils atypiques et des équipes hybrides, des outsiders et de nouvelles gammes d’intelligences émotionnelles.
Il est temps de retrouver l’aspérité.