Ta vie n'est pas un KPI. Comment sortir du tout performatif ? - Umanz

Ta vie n’est pas un KPI. Comment sortir du tout performatif ?

Ta vie n’est pas un KPI. Comment sortir du tout performatif ?

“Work it harder, make it better

Do it faster, makes us stronger

More than ever, hour after hour

Work is never over”

Daft Punk. Harder, Better, Faster, Stronger

Sommes nous devenus trop performatifs ? Quel est le prix à payer de cette quête incessante de la performance ? Et comment avons-nous pu à ce point tayloriser notre vie intérieure ?

Voici quelques réflexions et quelques clés pour sortir du tout performatif ?

1- Deviens un milliardaire de temps. 

Ne cherches plus à gagner du temps mais à le découper de larges tranches de temps inutile.

Jette ta panoplie en mousse de surperformatif. N’achète plus à tes enfants de jouets performatifs.

On voulait le Quantified Self on a eu le soi rétréci. On voulait l’augmented-self on a eu un soi diminué. Apprends à reconnaître là où la technique ne libère plus mais t’emprisonne. Et surtout, sache discerner à quel point l’injonction à la surperformance s’est mystérieusement équipée d’objets de consommation. 

Regarde autour de toi et fais le tri dans ton de Kit de Surperformer. Comprends que la surperformance est une maladie de l’ère digitale

Qu’est l’emmerdeur professionnel du syndic sinon un superperformatif ? Et la maman parfaite que l’on croise dans les réunions de parents d’élève sinon une surperformative sur-angoissée. Elle met son fils au chinois, au violon, au cours de rattrapage de math, à la danse,  puis à la méditation car il est TDAH (“c’est bizarre docteur, Gaspard était un enfant très calme ?”)

Et qu’est-ce qu’un surperformatif dans ces versions extrêmes ? C’est le sex-addict, le binge watcher, le boulimique. Les grandes maladies contemporaines sont les rejets toxiques du tout performatif. 

2- Réapprends l’inutilité

Pour sortir du tout performatif il faut savoir reconnaître la vertu du geste inutile. Du geste gratuit, de ne rien faire. De tout simplement vaquer. Sortir de sa peau de sautilleur de feu rouge bardé de capteurs.

Passe au N.O.M.O (necessity of missing out).

On perd des années en n’étant pas capable de perdre des heures

Amos Tversky

3- Sors du Cockpit

Parfois, il est nécessaire de s’arrêter, de prendre du recul et de comprendre que quand toute ta vie ressemble à un cockpit : ta montre, ton téléphone, tes dashboards, ton Slack, ton CRM, tes OKR…il y a forcément TOUJOURS un bouton rouge qui clignote et qui dit “Pas assez bien” , “Pas assez vite”, “Pas assez fort”, “Pas dans les targets.” 

Et tous ces boutons ne disent qu’une chose. Tu es en surrégime…Mais depuis combien de temps 5 ans ? 10 ans ? 20 ans. 

Et d’ailleurs connais-tu autre chose que le surrégime ?

4- Choisis ton domaine du vide

Choisis un sous-domaine, un sous-sujet, un OKR :  famille, argent, boulot, sport, amour, vacances, réseaux-sociaux dans lequel tu vas vraiment tout laisser tomber. Une case vide dans laquelle tu vas avec consistance…sous-performer. Ce sera ton domaine du vide. Un vide abyssal, en jachère. 

Trouve le domaine où par incompétence répétée et manifeste tu sous-performeras de manière légendaire. 

Regarde attentivement autour de toi, Les gens les plus heureux ont lâché une énorme balle. Cesse d’attraper toutes les balles au rebond et lâche la tienne.

5- Apprends à reconnaître les Surperformatifs Extrèmes.

Trouve toi des anti-modèles Surperformatifs. Regarde les familles anti-témoins comme tu contemplerai des aliens étranges d’une galaxie lointaine.

Observe les familles soigneusement Instagrammées. Regarde les murs qu’elles se prennent en permanence. 

Intègre, qu’à vrai dire, on se prend tous un mur un jour ou l’autre. Autant ne pas se le prendre à 100 à l’heure en faisant un selfie.

6- Arrête d’être le Mini-Uber de toi-même

Traque les injonctions micro-perfomatives autour de toi. Même ta cuisine clignote et fait bip-bip en permanence. Arrête d’importer tes App de Project Management Corporate dans ta vie privée.

Ton cockpit est chez toi aussi et même le Thermomix, le toaster, la machine à laver sont là pour te le rappeler. Fais un ménage du performatif par le vide. Traque impitoyablement les objets performatifs. Même ceux qui sont ronds et sympas. 

Ma meilleure amie a jeté en une semaine sa balance connectée, son traqueur de sommeil, son capteur de rythme cardiaque et a supprimé son app de compteur de pas.

Elle ne s’est jamais aussi bien portée. Nourris ton esprit au lieu de nourrir l’algorithme.

7- Cuisine pour toi, pas pour les réseaux

« Tous les repas que vous mangez ne doivent pas être le meilleur repas que vous ayez jamais fait ; Tous les repas que vous mangez ne doivent pas être diffusés sur les médias sociaux ».

Julia Turshen 

Dis toi qu’actuellement le tout performatif est une esthétique de consomation. Une injonction. Et comme toute esthétique, elle passera.

Apprends à reconnaître le marketing surperformatif.

Apprends à reconnaître ceux qui font commerce de tes insuffisances. Et ceux qui t’en inventent…

Garde cette idée en tête : quelle micro-disruption a-t-on essayé de te vendre dernièrement ? Regarde le budget que tu consacres à être un droïde surperformatif comme tous les autres. Observe comment les surperformatifs mettent un voile opaque entre leur productivité et le monde.

Calcule le prix de ta fatigue…Et de ta conformité. Tu découvriras – on n’y échappe pas- une étrange performance masquée…Celle de ton compte en banque. 

Il faut de la maturité, et du recul pour se rendre compte que l’aspiration peut mener à la négligence. Comprends que la croissance personnelle n’est pas un upgrade

Apprends à reconnaître les instruments masqués du Taylorisme Intérieur. Observe tous ces objets qui te transforment en mini-uber à la merci de tout et de tous…

Maintenant traduis chaque clignotant sous-performant pour ce qu’il est : une injonction à acheter. Tes enfants ne sont pas une startup. Ta cuisine n’est pas un CRM. Il est temps de dé-dashboardiser ta vie.

Ta vie n’est pas un KPI.

“Si j’ajoute de plus en plus de choses à faire dans ma vie, inévitablement, il y a de moins en moins de vie dans les choses à faire.”

Thomas d’Asembourg