Plutôt que poser la question veux tu faire ce job la question plus intelligente est souvent veux-tu la vie qui va avec ?
Quand on fantasme sur un métier, on va souvent regarder le salaire, les études, les expertises nécessaires et les entreprises emblématiques du secteur. Au mieux, on aura lu quelques articles sur un ou deux professionnels iconiques. Étrangement la plupart des articles jetteront un voile pudique sur la vie réelle des professionnels en question, non pas parce qu’elle abrite un magnifique jardin secret mais souvent parce qu’elle masque un champ de ruines.
Aujourd’hui, seulement 22% des diplômés finissent par exercer un métier correspondant à leur diplôme. Souvent leurs rêves ont buté, sans le savoir, sur cette fameuse “vie qui va avec”.
Savez-vous qu’un joueur de foot de ligue 1 s’entraîne 4 à 6 heures par jour ? Connaissez vous sa diète hebdomadaire ?
Savez-vous que pendant des années un vétérinaire en province est réveillé en moyenne trois par semaine pour des urgences nocturnes ? Savez vous ce que c’est d’aider une vache à vêler ?
Savez-vous qu’un avocat en droit des affaires et un banquier d’affaires vont très souvent et pendant 10 ou 15 ans ans se coucher à 3 heures du matin sans voir leurs enfants pour repartir à 7 heures au boulot après 4 heures de sommeil et une douche rapide ?
Savez-vous qu’un sous-marinier passera en moyenne 3 mois sous l’eau pendant 15 ans de sa vie sans voir sa famille ?
Connaissez-vous l’exigence intense des phases de debug d’un jeu vidéo ?
Savez-vous qu’un acteur de théâtre doit parfois retenir plus de 1000 lignes ?
Savez-vous ce que c’est qu’une charrette en agence créa ?
Savez-vous que 38% des femmes dans la Tech envisagent de quitter leur job dans les deux ans et que 50% d’entre elles le quitteront avant 35 ans ? Savez vous pourquoi ?
Savez-vous qu’un pianiste professionnel s’exerce chaque jour 4 heures en moyenne ?
Connaissez-vous les taux de divorce de votre profession ? Selon les études les danseurs-chorégraphes, responsables dans les jeux-vidéo seraient en tête du palmarès des professions qui divorcent le plus, d’autres mentionneraient les journalistes et les avocats. Le plus faible taux de divorce, 2%, touchant les…ingénieurs agronomes.
Connaissez-vous les taux de mortalité par profession savez vous qu’ils varient de 1 à 3 selon les métiers ?
Pourtant, il suffirait parfois d’observer un professionnel pendant quelque temps, tout simplement lui poser la question ou mieux encore, demander à son conjoint de vous expliquer sa vie pour connaître les secrets, les risques, les joies et les écueils de la vie qui va avec.
Dans cette période d’intense rééquilibrage entre les sphères privées et professionnelles “la vie qui va avec” apparait toujours comme l’angle mort des orientations et des choix professionnels. Alors, pourquoi ne pas lancer une nouvelle collection en librairie : plutôt que “Ingénieur Java Pour les nuls” on aurait “Ingénieur Java, la vie qui va avec” avec des interviews fleuves des conjoints et des enfants ? Ou pourquoi ne pas remettre au salarié une fiche de la « vie qui va avec » avec la fiche de poste ? Et à quand des jobs indexés sur des Indicateurs de Qualité de Vie universels ?
De tels livrets constitueraient une lecture préventive voire curative. Ils permettraient d’équilibrer les quêtes simplistes et déceptives des attributs extérieurs tout en gardant les lecteurs à l’abri de la toxicité des désirs mimétiques.
La vie qui va avec pose la question de la centralité du travail mais ce n’est pas uniquement une question de vie privée. Il serait de même réducteur de la réduire à une démarche strictement hédoniste. Car la vie qui va avec permet d’apprécier la totalité de la charge mentale qu’un job fait rejaillir sur tous les pans d’une vie. C’est pourquoi, et de plus en plus, le sens au travail, dans sa globalité, se construit aussi dans la « vie qui va avec« .
In fine, réfléchir à la vie qui va avec est un modèle mental qui permet d’ouvrir une gamme de choix qui joue pour vous et non contre vous contrairement à certains choix précipités ou directement hérités de la pression familiale. La qualité de vie est un score interne, ne l’optimisez pas sur les métriques des autres.
Il n’y a pas de destination sans voyage. Les gens veulent souvent la vie d’Untel ou d’Unetelle, rarement la vie qui va avec. Nous idolâtrons les réussites, jamais la vie qui y a mené…Une autre manière de rappeler que souvent ce qui compte dans le choix d’un métier n’est pas uniquement la qualité de vie au travail (QVT), mais aussi la qualité de vie pas au travail (QVPT).