
La chance de mon métier d’accompagnement chez Second Act m’amène à croiser pas mal de dirigeants. Un de leurs soucis RH le plus fréquent est celui de l’engagement des équipes. Et je comprends cela, c’est l’un des sujets les plus complexes et il est intimement lié à la perte de sens au travail.
Il y a pourtant une question qu’on ne pose pas aux CEO, donc que je leur pose de plus en plus souvent. C’est encore une question taboue, mais c’est une question qu’ils accueillent et ne chassent jamais d’un revers de main. Enfin, pas tous…
Cette question c’est :
Crées-tu de beaux métiers ?
De beaux métiers ce ne sont pas des jobs fonctionnels servant de bouche-trous à des ERP mal installés. Personne ne finit ses études en rêvant d’être assistant –à vie– de logiciels.
De beaux métiers ce ne sont pas des titres ronflants que ta mère peine à comprendre.
De beaux métiers, ce sont des métiers qui te rendent fier. Des métiers où tu te sens progresser chaque jour.
De beaux métiers te rendent irremplaçable et non par design éminemment interchangeable.
De beaux métiers te permettent de devenir meilleur.
De beaux métiers se reconnaissent facilement, ils ont un geste métier.
As-tu un beau métier ?
Si oui, quel est ton geste métier ?
Il y a une autre question :
Adam Kay, l’un des pionniers de l’informatique avait une phrase mémorable qui me hante chaque jour :
“Je raisonne en nombre plafonds de la chapelle Sixtine par vie.”
Quel est ton plafond de la chapelle Sixtine ?
Le célèbre économiste, Tyler Cowen, pose à ses invités la question vertigineuse, celle des gammes de piano :
“Récemment, l’une de mes questions préférées pour taquiner les gens a été : “qu’est-ce que tu fais pour t’entraîner qui soit comparable à la pratique des gammes d’un pianiste ?”. Il ajoute, “si vous ne connaissez pas la réponse à cette question, peut-être faites-vous quelque chose mal ou pas assez…”
Une autre question très simple est : seriez-vous capable de parler de votre métier dans un essai ou sur un blog ?
Bien sûr, il est souvent plus facile, de calquer à prix d’or des modèles matriciels assortis de jobs aussi vides de sens et mécaniques que des rouages. Des jobs sans imagination, directement importés de vos principaux concurrents via des conseils sans imagination.
Plus de saucisses
Et qu’est-ce que ça donne ? L’essayiste Evan Armstrong raconte ce que lui avait confié un ami, un ex de McKinsey sur ces métiers sans âme:
“C’était comme passer 15 ans à fabriquer des saucisses et découvrir ensuite que la récompense au sommet était plus de saucisses”, m’a-t-il dit. Il s’est donc tourné vers le capital-investissement, où il a de nouveau réussi à se frayer un chemin jusqu’au sommet. Une fois sur ce sommet, gérant activement des milliards de dollars, il a découvert, avec horreur, que la récompense était…« plus de saucisses ».
Quand je lui ai demandé pourquoi il continuait à faire ça, il a répondu quelque chose du genre : « Je pensais qu’une fois que je serais tout en haut, tout aurait meilleur goût.»
Mais ces métiers créent-ils des salariés engagés ?
Un nouvelle génération de dirigeants émerge, une génération qui a compris comme cet écrivain du siècle dernier qui a exercé 6 métiers différents dans sa vie, que “l’homme qui possède des dons brillants ne peut se satisfaire longtemps de les exercer sur un objet médiocre.”
Si vous voulez créer des salariés engagés, créez de beaux métiers.
Bien sûr ma question est naïve et je revendique cette naïveté.
C’est pourquoi je continue de poser aux CEO et aux DRH que je croise cette question qui ouvre l’imagination (cette nouvelle rareté) et de belles conversations (cette autre rareté) :
Crées-tu de beaux métiers ?

