Entrepreneur et écrivain, profondément attaché à l’humain, Jean-Sébastien Hongre a connu plusieurs vies dans le digital. Après Planet Interactive, il a fondé TeamInside spécialisé dans la digitalisation premium des grands comptes il y a 10 ans avec Frederick Benichou. Le groupe compte 300 personnes implantées à Paris, Lille et Montréal
L’année dernière TeamInside, enrichi d’Aravati et d’Elevate, a levé 10 millions d’euros auprès de Turenne Capital et Capital croissance pour accélérer son développement. TeamInside vient également d’intégrer La Relève à ses équipes.
Jean-Sébastien Hongre a accepté de répondre aux questions de Umanz :
Umanz – Qu’est-ce que le digital vous a appris sur l’humain ?
Jean-Sébastien Hongre : Que l’humain est tout et la techno pas grand chose. Mieux vaut une bonne équipe qu’une bonne techno. J’ai coutume de dire que ce sont les hommes qui font la qualité des organisations et pas l’inverse.
Le deuxième enseignement est que le digital a forcé l’humain à accélérer sa capacité à s’adapter, à apprendre et être souple. Quelqu’un de rigide ne tient pas dans le digital.
Le troisième enseignement est que que les soft skills sont toujours préférables aux hard skills.
Umanz- Quels sont les soft-skills fondamentaux pour vous ?
Jean-Sébastien Hongre : Chez TeamInside nous attachons beaucoup d’importance en début de carrière à la fiabilité, la rigueur et l’exigence intérieure.
En deuxième partie de carrière, la curiosité, l’ouverture d’esprit, la capacité à se remettre en question donc une certaine humilité (particulièrement face aux modes technos) sont des atouts indispensables.
Chez les plus seniors nous privilégions la psychologie, la capacité à déléguer. Et un talent plus rare, la capacité à gérer l’irrationnel et à toujours privilégier la fluidité aux process…
Unamz- Comment l’humain s’est transformé avec les machines ?
Jean Sébastien Hongre : Je constate une accélération globale entre l’homme et les machines. L’accélération change anthropologiquement l’homme. Chez les plus jeunes génération l’accès permanent à la data et à l’information est considéré comme un acquis au même titre que l’électricité pour nos parents. La GenZ possède déjà le mode collaboratif en natif.
Aujourd’hui, on évolue sur une nouvelle configuration. On a besoin de disque durs plus petits et de quadri-processeurs. En bref : moins de mémoire mais une plus grosse capacité de traitement pour évoluer dans un nouvel environnement professionnel plus horizontal et beaucoup plus rapide.
Le revers de la médaille de cette transformation de l’humain est une certaine impatience, une inaptitude à la contemplation, à la concentration.
C’est la rançon de la suppression des temps par le digital.
Umanz- Comment humaniser le digital ?
Jean-Sébastien Hongre : En éteignant son portable. Je ne crois pas à des objets ou des services digitaux plus humains. Le digital est agnostique. On en revient toujours à l’éducation et aux soft skills mais je ne crois pas que la libération de l’homme viendra de la technologie.
Une nouvelle fois, le recul, la discipline intérieure, la capacité à s’accorder des bulles de déconnexion sont les premières des libertés à enseigner aux enfants.
In fine, je pense que l’humanisation du digital ne viendra pas de l’industrie mais du sociétal.
Umanz- Quelle est votre vision du futur des talents digitaux ?
Jean-Sébastien Hongre : Parmi les nouveaux métiers prometteurs je vois des signaux faibles dans la capacité à co-agir avec les algorithmes et des signaux forts dans le passage de l’UX Ecran à l’UX Voix pour lequel nous allons avoir besoin de nouveaux profils issus de la culture des scripts de centre d’appel
Il y a beaucoup à faire également dans le shift du magasin comme média et les transformations inévitables du retail de demain. La connaissance de la data de même devient cruciale.
J’estime enfin qu’à l’avenir le plus important pour les talents sera la formation continue et le lifelong learning et je dirai ceci à tout jeune diplômé : ne vous souciez pas des métiers, souciez vous des soft skills
Umanz- Quelle est votre stratégie pour doubler le CA de TeamInside ?
Jean-Sébastien Hongre : Notre stratégie est avant tout une stratégie produit elle consiste à imaginer de nouvelles offres avec nos associés et en collaboration avec nos clients.
Notre intuition de départ a été qu’avec le digital, les flux allaient se multiplier et s’accélérer. Intuition vérifiée car ce n’est pas le “build” c’est le “run” qui a explosé chez nos clients. Nos futurs produits s’inscrivent dans cette vision.
Aujourd’hui avec la transparence induite par les réseaux sociaux tout se sait dans la transformation digitale et on ne peut plus mentir sur la qualité d’une offre ou d’un service.
Voilà pourquoi nous nous étendons via nos marques (Teaminside, Aravati, La relève, TI business et TI content) qui portent chacune une expertise pointue et évolue en autonomie. Le Groupe ne porte que le corporate, la richesse réside dans les marques et surtout dans les équipes.
Umanz- Quels sont vos grands enseignements d’entrepreneur ?
Jean-Sébastien Hongre : La première leçon est qu’il ne faut pas avoir peur de la frugalité et de vivre avec peu d’argent. Il faut éliminer la peur de la chute.
La deuxième est qu’il ne faut pas avoir non plus avoir peur des échecs, accepter de se tromper, savoir beaucoup tester mais aussi savoir s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard quand quelque chose ne marche pas.
La troisième, fondamentale, est : “qui paye ?”. Trop de gens montent des startups sans se préoccuper des clients. Je suis fils d’agriculteurs de Picardie. Je suis né dans un petit village de 60 habitants et je pose toujours la question : “qui fait le chèque ?” . La première question que je pose aux entrepreneurs c’est : “est-ce que le mec est prêt à payer ton service ?”
La quatrième est le choix d’un associé. L’importance de la connivence business (pas de l’amitié) sa capacité de travail et son engagement total qui sont, d’après mon expérience, presque plus importants que le produit et service qu’on veut vendre. Il faut aussi avoir la capacité à se dire les choses…Beaucoup d’associations meurent à cause des “non-dits”.
La dernière leçon, issue de mon bon sens paysan : être fourmi plutôt que cigale. “Cash is king !”