Meme Stocks, Meme Presidents (faites votre choix), Meme Ceo dans son incarnation live ou celle de son rival et jumeau maléfique, Meme Economy, la machine à produire du non-sens s’est-elle emballée ?
Je ne sais pas si vous avez la même impression mais je trouve pour ma part que la fabrique folle de pseudo réalité s’est industrialisée depuis la fin de la pandémie et que la Meme Economy tourne à plein régime…
C’est peut-être la seule d’ailleurs…J’ai isolé depuis quelque temps une catégorie distincte des fameux Bullshit Jobs chers à David Graeber. Je les appelle les MEME Jobs.
Comment définir les Meme Jobs ? On pourrait en donner la définition suivante : « Un Meme Job est un job qui sert à perpétuer un système fondamentalement non-soutenable pour la planète et les humains mais que ses pratiquants continuent par confort, avidité économique ou manque d’imagination, à perpétuer. »
Ce n’est pas tout à fait un fake job, pas encore un bullshit job. C’est un job qui garde une utilité dans le capitalisme finissant mais, en off, ceux qui le pratiquent savent parfaitement qu’ils jouent un jeu.
Un jeu dont ils ont perfectionné le talent numéro un : comprendre, intégrer et maîtriser les codes de la fiction.
Je distingue trois niveaux de Meme Jobs :
Le Meme Job premium
Le premier niveau de Meme Jobs est celui de l’hypercapitalisme financier. La règle est simple et pratiquée avec un cynisme consommé par une la cohorte de parents les plus aisés et leurs enfants conformes : transformer ses enfants en startup et tenter de les placer, hors parcoursup, à l’étranger pour les faire aboutir, loin de l’économie productive dans les trois hauts lieux de production des Meme Jobs plaqués or : une grande Banque d’affaire, un MBB (McKinsey, BCG, Bain), ou un cabinet de droit des affaires où il pourront prendre leur juste part (la part du lion) des fonds levés auprès des VC ou des Marchés financiers avant même d’être investis dans l’économie productive.
Chaque année environ 60% d’une promotion d’HEC finit dans le conseil ou dans les services financiers. Mais la fameuse Professional Managerial Class (PMC) sert-elle encore le monde ?
Voici, en version très (très !) sanitisée, ce que m’a confié un jour une cliente de Second Act : « J’ai passé ma vie à me dé-risquer en externalisant le risque de mes clients sur le monde. » CQFD.
Elle illustre cette vérité fondamentale et trop souvent oubliée de Seth Godin : “ Ce n’est pas parce que tu gagnes à un jeu que c’est un bon jeu.”
Le deuxième Meme Job : rester au dessus de l’API
Le deuxième niveau est celui du pari Techno réussi. Je le comprends, je l’ai joué. C’est celui que jouent une classe habile celle qui va hanter les “magnificent seven” de la Technologie.
Qui sont actuellement les magnificent seven ? Apple, Nvidia, Meta, Amazon, Microsoft,Apple, Google et Tesla.
Le seul but de cette classe dorée, rester dans la course en misant sur le bon GAFAM ou son challenger émergent à coup de Job Hopping sélectif. Profiter des salaires premium du secteur (+ 20% à 30%) et se maintenir toujours au dessus de l’API.
Le troisième Meme Job : Creator sous influence
En dessous ou à côté il y a une sous-classe d’indépendants attirés par les miracles de la fameuse Creator ou de l’Influencer economy vendus aux foules crédules à longueur de journées dans des pubs YouTube aussi bruyantes que douteuses.
A qui profite la creator economy ? À des boîtes de Software qui orchestrent magnifiquement à coup de PR et posts Social Media d’Influencers les miracles soigneusement sélectionnés d’une économie destinée avant tout à vendre leur suite technologique.
Un cache-misère et un paravent doré qui sert en fait à masquer ses déprimantes statistiques. Celle d’une économie où moins de 46% des créateurs gagnent plus de 1000$ en un an.
La règle des Meme Jobs : Work = Gambling
Dans cette phase du capitalisme finissant où l’on peu parier sur tout, doit on s’étonner que le travail pour la Gen Z soit devenu un arbitrage comme un autre.
“ Les jeunes considèrent, contrairement aux générations précédentes, que le travail s’apparente davantage à du gambling que les générations précédentes et nous ne savons pas vraiment ce que cela signifie pour la façon dont les gens envisageront le travail » nous rappelle l’essayiste Paul Millerd.
Doit on s’étonner que toute une génération soit aussi distante d’un monde du travail qui échoue depuis 30 ans à tenir ses promesses morales.
Et qui refondra aujourd’hui un discours crédible et soutenable de « nouvelles réussites » au regard des limites planétaires et éthiques ?
Il y a des pistes, des entreprises où il fait bon vivre et travailler, des patrons qui placent la préservation de leur personnel au-dessus des feuilles Excel, des règles du marché mais en dessous des limites du monde.
Nous vivons une époque trouble où ne savons même pas à quel point l’AI perturbera de nouveau un contrat social largement falsifié. Et nous entrons dans un monde incroyable peuplé de personnages fictifs plus vrais que nature.
Il est temps de repenser des systèmes de travail human centric tout en gardant la conviction que le travail n’est pas une aliénation et peut être la plus belle forme d’épanouissement.
Changer la MEME economy
« La seule biodiversité qui va nous rester, avertit-il, c’est Coca contre Pepsi. »
Chuck Palahniuk (Berçeuse)
Bien sûr, aucun de ces jobs n’est inutile stricto sensu. Et bien sûr la première dignité est parfois de travailler. Mais leur impact sur les esprits et la planète est discutable et sera de plus en plus discuté par les candidats.
Bien sûr, cela suppose un changement de l’infrastructure économique et professionnelle actuelle . Une infrastructure dont les rouages sont si clairement grippés et les dés si visiblement pipés qu’elle est devenue elle-même un gigantesque Meme.
Ce jour là, peut-être sera t-il utile de relire ce que Richard Dawkins le célèbre Biologiste disait des Memes en nous rappelant que comme les gènes, ils étaient fondamentalement égoïstes.
“Les memes, unités de transmission culturelle aussi féroces que les gènes, entrent en compétition pour leur survie et leur reproduction.Il ne sont concernés que par leur perpétuation, sans se soucier des conséquences pour leurs organismes hôtes ou pour l’environnement culturel global.”
Alors, peut être vous vous demanderez vous en lisant ces lignes : «Est-ce que j’ai un Meme Job ?»
La réponse est claire. Elle tient en peu de mots. Elle tient dans la réponse à cette simple question : “Ce job fait-il du bien à mon âme ?”