Non, vous ne pouvez décemment pas quitter ce job qui vous colle comme une marque. Vous ne pouvez pas abandonner ce style de vie, ces vacances, ce quartier et cette lueur d’admiration dans les yeux de vos amis et de votre famille.
Bref, vous êtes tout simplement “Status Conscious.” Rassurez vous…On en guérit.
Donnez moi une médaille…
Car cette quête éperdue du statut social et de ses attributs devient rapidement une prison et empêche les personnes en recherche de sens de réorienter leur carrière.
Le statut agit insidieusement comme un besoin impérieux de reconnaissance pour ceux qui se sont battus pour tout avoir et qui se trouvent prisonniers d’un métier qui en ajoutant des zéros a perdu son attrait et sa signification.
Le Philosophe Alain de Botton, auteur d’un livre sur l’anxiété du statut, rappelle que les enfants sont souvent traités comme des empereurs romains et feront des pieds et des mains à l’âge adulte pour regagner ce statut. Il évoque la pression des sociétés modernes où l’on “peut être ce que l’on veut” et où la première question que l’on vous pose en soirée est “que faîtes vous ?”. Une société statutaire où nous sommes tenus pour responsables de nos biographies insiste Alain de Botton.
S’ajoutent à cela les booster d’Ego : l’admiration, l’envie, l’amour, le respect, la révérence qui enracinent les comportements du Status Conscious à l’ère du « status as a service » des médias sociaux et renforcent l’anxiété statutaire.
Le célèbre VC Paul Graham explique très bien cet engluement progressif dans le statut :
“Le prestige agit comme un aimant puissant qui enrobe même vos croyances sur ce que vous semblez aimer. Le résultat est que vous travaillez non pas sur ce que vous aimez mais sur ce que vous aimeriez aimer…”
Paul Graham
Souvent une personne “status-conscious” est incapable de caractériser son état. La pression du groupe, d’un milieu endogame, et de l’éducation fait du statut un guide, un couloir, puis des ornières de plus en plus étroites. Personne ne souhaite s’éloigner du groupe, oser la différence et se déclasser. Être différent c’est perdre sa place hiérarchique et sa place sur la branche.
Zone de confort / Zone d’inconfort
Dans ce cadre la sortie de la zone de confort, paradoxalement “insupportable” devient problématique et semée d’embûches.
Nombre d’entrepreneurs qui ont tenté l’aventure de l’indifférence ont parfois pu saisir cette lueur de commisération et de scepticisme dans les yeux de leurs proches. Car la sortie du cadre étroit du statut social est à la fois un acte de courage individuel et collectif. Mais, dans ce saut dans le vide, le premier cercle est souvent le premier frein.
En bref, il faut être doublement ambitieux pour accepter une perte ou un changement de statut. Car le “Status Conscious” classique s’interdit toute trajectoire non ascendante sur l’échelle sociale. Hors de question donc de diminuer son salaire et d’adapter son niveau de vie. Comme l’explique Jean Grimaldi, Directeur Pédagogique à l’Edhec “le conformisme est une imitation du groupe qui entraîne une homogénéisation du comportement”, Il faut donc impérativement garder le statut et l’apparence du statut. Une injonction encore plus pressante à l’ère de l’hyper-ostentation des réseaux sociaux.
La vulnérabilité en bannière
Pour sortir du cercle vicieux du “status conscious’ et ne plus porter son statut en bandoulière, Il faut enfin accepter avec humilité de redevenir vulnérable et moins important, voire inutile, aux yeux des importants de son étroit cercle professionnel.
Comme toute sortie de la zone de confort , une saut dans l’inconnu et un retour à la réalité peuvent être profitables. Comme le rappelle Charles Duhigg dans le New York Times: “Il n’y pas de niveau de salaire à partir duquel un mauvais job devient un bon job”.
Le psychologue Joseph Sirgy spécialiste de la qualité de vie classe en effet la “status consciousness”, valeur extrinsèque anxiogène rarement satisfaite, parmi les attributs les les plus néfastes au bien être.
Il est possible de se libérer de l’anxiété du statut plaise Alain de Botton. Comment ? En apprenant à se libérer du regard des autres, des opinions toujours passagères et subjectives, en gardant une idée longue de sa valeur intrinsèque, en donnant la priorité au temps long et à l’amitié, en pratiquant une forme de « philanthropie intelligente » et In fine, en cherchant son respect personnel avant celui des autres. « Pourquoi cherche t-on l’admiration des autres avant de s’admirer soi même ? » s’interroge le philosophe.
On peut aussi se mettre “off-statut” en méditant ces sompteux vers de Shelley sur Ozymandias . Le jeu en vaut la chandelle et la fréquentation de de ceux qui ont su changer, rebondir se “dé-statufier” est souvent la plus belle des récompenses.