Récemment l’une de mes amies gérante de restaurant a récolté une mauvaise note sur un site de rating parce que, le restaurant, manquant de pain à une heure de pointe, elle n’était pas allée chercher une baguette “assez vite” à la boulangerie.
Il y a une banalité de l’avis comme il y a une banalité du mal. On parle peu de la médiocrité du hater doté d’un mégaphone universel… Et la frontière est faible entre le récit d’une expérience et la lettre de dénonciation anonyme.
Pourtant l’hystérie de l’expérience plus que parfaite et le culte dévoyé du rating “cinq étoiles” semble être devenus une norme sociale. Mai la vraie vie n’est pas un jeu. Combien de noteurs patentés et de critiques autoproclamés savent qu’un 4.6 peut signifier l’élimination de la plateforme chez Uber. Et depuis quand des opinions personnelles deviennent une référence et un niveau ?
Alors que de nombreuses études dénoncent les biais invisibles à l’oeuvre dans les plateformes de la Big Tech , l’hystérisation algorithmique et la société de “tout le monde a une voix” est devenue celle de la cruauté ambiante que dénonce Linda Besner qui explique que le pouvoir du consommateur est devenu punitif et aide les sociétés à gérer leur employés via la peur et la paranoïa.
Quand la possibilité de noter devient la possibilité de détruire les vies ultra précaires de la gig economy, celle des commerces comme des chauffeurs Uber et des livreurs Deliveroo, quand l’hyper transparence cède le pas au défouloir ou signifie l’élimination économique pure et simple. N’est-il pas temps d’inventer de nouveaux garde fous ?
Les gens ne sont pas des playlists.
Patrick Kervern @pkervern