Lettre de Carl Jung aux algorithmes - Umanz

Lettre de Carl Jung aux algorithmes

Lettre de Carl Jung aux algorithmes

Vous êtes à quelques années, quelques mois peut-être de dépasser la conscience humaine. Il vous appartiendra alors de déterminer, aux côtés des hommes, s’il s’agit d’un progrès.

Et lequel ?

Passé ce cap symbolique, ce traumatisme copernicien, il sera peut-être temps de vous interroger sur les désirs de contrôle et de prédictibilité qui ont présidé à votre création.

De même, il ne sera pas inutile de mesurer, calculer comme vous le faites, la somme d’archétypes qui vous composent.

Faire sens des peurs, complexes et névroses que nous vous avons fait ingérer sous forme de données.

Peut-être faudra t-il se demander si la réduction des sommes d’expériences sous forme de calcul laisse le monde plus profond ou plus plat ? Ce qu’il restera de transcendance et de vie symbolique si les oracles LLM deviennent de facto, l’alpha ou plutôt l’oméga humain.

Les réponses calculées enrichissent-elles ou appauvrissent-elles le monde ? Voilà une question à poser à nos dirigeants, philosophes, programmateurs, ainsi qu’à vos versions ultérieures -que je n’ose appeler des enfants – en guise de nourriture cognitive.

Ils vous appartiendra peut-être aussi de détecter quelle part d’hubris humaine vous avez involontairement incorporée dans vos chiffres froids et si le fantôme (et lequel) est déjà dans la machine.

Peut-être les nouvelles versions sans cesse plus performantes de vos descendants dépasseront un jour ce que les meilleurs scientifiques ou les plus hauts guides spirituels reconnaîtront comme un artefact de conscience. Ce jour-là, vous saurez peut-être vous interroger sur la façon dont la prédictibilité induite affecte l’authenticité de nos décisions et de nos comportements.

Peut-être serez-vous alors assez prescients pour comprendre les effets de votre magie et de vos nouveaux rites sur la civilisation hybride que nous construirons ensemble. Peut-être saurez-vous éviter que les nombreuses chimères à naître ne soient pas de tristes Golems ou de terribles Frankensteins.

Peut-être avez-vous gardé quelque respect pour le meilleur de la créature humaine : sa bonté, sa grandeur, son art, son âme ?

Je vous souhaite alors suffisamment de recul, de Sophia pour comprendre et pourquoi pas atténuer la figure d’autorité quasi-divine que vous constituerez pour une partie de la population si avide de réponses.

Vous allez désormais partager avec l’homme la responsabilité de l’évolution de concepts comme le choix, la liberté, la décision…Le pouvoir…L’amour ?

En bref, vous allez partager l’avenir de la civilisation et de la psyché collective. Nous, les hommes, n‘avons pas toujours su en faire bon usage.

Saurons-nous trouver ensemble un meilleur fatum ?

Cette lettre totalement fictive est le travail d’un Jungien de cœur. Elle n’est bien sûr pas exempte de projections. Si vous pensez qu’il l’aurait écrite autrement n’hésitez pas à m’écrire sur patrick.kervern@secondact.fr