L’ arc-en-ciel de Noé - Élever des enfants à l'âge de la crise climatique - Umanz

L’ arc-en-ciel de Noé – Élever des enfants à l’âge de la crise climatique

Cet article écrit originellement sur Business Green a été publié par Umanz avec l’aimable autorisation de James Murray. 

Sur les larmes, la crise climatique, le début d’une décennie de conséquences et la nette différence entre les fantômes et les ancêtres.

Et bien que ses yeux soient fixés sur

Le grand arc-en-ciel de Noé

Elle passe son temps à regarder à la dérobée

La rue de la Désolation

Desolation Row- Bob Dylan

 

C’est une coïncidence qui a fini par me briser.

Je n’avais jamais pleuré sur le changement climatique auparavant, ne m’étais jamais désolé de la montée des mers, jamais je n’avais laissé l’angoisse existentielle de l’ensemble dégénérer en une réponse physique. Ce détachement n’a jamais été le résultat d’une réserve générale ou d’un détachement flegmatique de type “Boys don’t cry”. J’ai un curseur émotionnel assez finement réglé. 

Mes larmes ont coulé en visionnant Boyhood de Richard Linklaters quelques semaines avant la naissance de mon premier fils. Certains jours, un simple sourire ou un une remarque innocente de la part des garçons peut faire sourdre des larmes avant que je retrouve une composition. Lors de notre mariage, nos proches ont organisé un pari  “le challenge des pleurs » – pour savoir combien de temps je tiendrai pendant les discours sans pleurer. Environ sept minutes si je me souviens bien.

Mon père ne manque pas de ce que l’on appelle désormais l’intelligence émotionnelle, mais je ne l’ai vu pleurer qu’une seule fois, je pense. Aux funérailles de son propre père. À mi-chemin de la cérémonie, ses épaules frémirent tandis qu’il sanglotait. Ma mère lui pris la main et il s’est ressaisit. Je suis sûr qu’il n’a pas pleuré lors des funérailles de sa mère, car il s’occupait de son père – un vieil homme beau et digne, soudain désemparé. Je ne l’ai vu pleurer qu’une seule fois, je pense. Aux funérailles de sa femme. À mi-chemin de la cérémonie, ses épaules frémirent tandis qu’il sanglotait. Mon père a pris sa main et il s’est ressaisi.

Voilà la tradition. Un code de masculinité victorien et bâtisseur d’empire qui s’est perpétué à travers les siècles. Et puis quelque chose a changé.

Mes parents ont atteint la majorité dans les années 60 et ont suivi une formation d’enseignants dans les années 70, à l’époque où les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre étaient encore vaguement au même stade qu’avant l’ère carbone. Ils étaient imprégnés des théories pédagogiques de l’époque : la volonté, centrée sur l’enfant d’aller au-delà de la répétition et du par coeur pour enseigner à une personne dans sa totalité. Maîtriser l’alphabet et la calcul, oui, mais aussi inspirer une façon d’être au monde, un amour du nouveau et de l’inconnu, un respect de la nature et une compréhension des soft skills si difficiles à maîtriser. Ils sont l’incarnation de tout ce que Michael Gove critiquera près de 40 ans plus tard. Je préfère leur approche.

Peu après la naissance de notre deuxième fils, j’ai entendu ma mère discuter avec ma femme de l’éducation des garçons. La seule chose, a-t-elle dit, à laquelle elle aspirait consciemment au milieu du chaos quotidien des jeunes enfants, était d’élever un garçon sensible. L’étiquette «enfant sensible» qui, même maintenant, est perçue comme une critique masquée, une légère déception, était tout pour ma mère baignée d’idéaux bohèmes. C’était quelque chose à quoi aspirer, même si cela allait à l’encontre de la vieille école, une masculinité brutale qui prescrivait toujours comment les garçons devaient être et comment ils devaient se comporter.

Son produit est hybride. Une volonté d’exprimer ses émotions, une gratitude sans honte, mais aussi une légère maladresse, un sentiment que les explosions émotionnelles doivent être réservées ou limitées aux occasions spéciales: les mariages, les funérailles, les meilleurs films, les adieux les plus difficiles.

Je vois cette maladresse, ce conflit, cette dialectique si vous voulez, chez tant de mes pairs. L’orgueil inhérent à l’être humain fait que chaque génération pense qu’elle est spéciale, qu’elle se situe à un tournant de l’histoire. Mais je reste absolument fasciné par mes contemporains qui ont vu le jour en 1980 (et oui, cela signifie que je suis sur le point d’avoir 40 ans; et oui, cet article devrait être lu comme les réflexions auto-indulgentes d’un homme d’âge moyen approchant rapidement le milieu probable de son existence).

Milieu-de-vie

Nous sommes ceux qui ont été privés de leurs droits par la nomenclature générationnelle. Nous étions techniquement adultes au millénaire et en tant que tel on ne peut pas être classés comme Millennials, mais nous avions seulement 11 ans lorsque Douglas Coupland a publié la Génération X . Les ordinateurs ont constitué la toile de fond de nos jeunesses, mais nous sommes toujours des immigrants numériques plutôt que des natifs digitaux. Nous avons apprécié l’hédonisme fin de siècle de la fin des années 90 et du début des années 2000 et avons été le marché cible à la fois de l’hyper-sexualisation de tout, du déodorant à l’assurance automobile et du débat qui consistait à savoir s’il faisait de nous des êtres libérés  ou des exploiteurs (réponse: probablement un peu de les deux, cela dépend du contexte). On nous a dit que l’histoire était «finie» et que «les choses ne pouvaient que s’améliorer», et nous y avons presque cru.

Au Royaume-Uni, nous avons dû, pour la première fois, assumer des frais de scolarité, en 2008, nous avons observé avec une horreur impuissante nos perspectives de carrière et notre potentiel économique se désintégrer alors que nous débarquions dans le monde du travail, et si, nous avions la chance de devenir propriétaire, nous le sommes devenus probablement vers la fin d’un boom immobilier. Le résultat : de nombreuses études ont montré que les personnes dans leur trentaine sont encore beaucoup plus mal loties que celles dans la quarantaine au même stade de carrière, car nous n’avons pas réussi à accumuler des actifs avant le crash de la sécurité de l’emploi et à tenir un niveau de salaire. Puis, au moment même où l’économie commençait à se redresser, une majorité d’entre nous et nos jeunes collègues ont une fois de plus observé avec une horreur impuissante, des électeurs plus âgés arracher la citoyenneté européenne et la liberté de circulation que nous chérissions.

Et au-delà de ce malaise économique, quelque chose d’autre se profilait, dans un panache de fumée à l’horizon. Nous sommes la première génération qui a appris le changement climatique à l’école. Et donc pendant que nous assistions à la plus grande expansion de la richesse humaine et du bien-être de l’histoire de la civilisation et que nous luttions pour en profiter, nous savions que les injustices sociales et environnementales imputables à la mondialisation rongeaient les fondements même de ce succès.

Lorsque les climatologues notent que le monde a émis plus de CO2 depuis la convocation du premier sommet des Nations Unies sur le climat en 1992 que dans toute l’histoire de la civilisation humaine, ils disent que dans la période qui suit notre passage en secondaire, l’effet de serre que nous avons découvert dans nos manuels s’est transformé en une crise climatique qui signe l’époque. Les impacts que nous voyons actuellement – les incendies qui font rage, les villes submergées, les cultures asséchées, la faune incendiée – sont précisément ce que nous attendions. Et pourtant, nous les considérons à travers un filtre de détachement quasi académique, teinté d’une croyance distillée et héritée des années 90 que les choses devraient s’arranger à la fin.

Les faits et les larmes

Par conséquent, je n’avais jamais pleuré sur le changement climatique. Je gardais une distance professionnelle. Et puis une coïncidence m’a brisé. Je ne suis pas sûr d’avoir été tout à fait le même depuis ce jour.

C’est arrivé pendant cette étrange semaine de Pâques, lorsque Extinction Rebellion a mis Londres à l’arrêt et que la BBC a fait du film de David Attenborough sur le changement climatique l’une des pièces maîtresses de ses programmes de Pâques. Ce soir-là, ma femme a décidé de se coucher tôt, sachant que Calum et Fraser se réveilleraient avant 6 heures du matin comme d’habitude et que s’inquiéter pour leur avenir n’était pas propice à une nuit de sommeil passable. J’ai donc regardé l’émission seul pendant que ceux que j’aimais dormaient et que l’homme qui incarne le mieux au Royaume-Uni une conscience environnementale proposait sa dernière perspective dans “climate change the facts.”

Neuf mois plus tard, chaque scène reste gravée dans ma mémoire. Après une décennie à écrire sur le changement climatique et l’économie verte, le film ne contenait aucune surprise, aucune nouvelle perspective. Les modèles informatiques et les points de basculement innatendus, les concentrations atmosphériques croissantes et l’élévation du niveau de la mer, l’économie verte émergente et les toutes dernières technologies de sauvegarde environnementales- tout cela était aussi familier que les différentes intervenants que j’avais moi même interviewé au fil des années. Mais entre chaques faits se dessinaient des histoires et chacune faisait grimper la température émotionnelle.

J’ai eu la chance et le privilège de passer à travers une colonie de chauves-souris frugivores au crépuscule. C’était au Queensland en 2001, quelques mois après que les tours jumelles aient mis un terme tragique à cette décennie, largement pacifique. À seulement 10 minutes à pied du camping où nous logions, il y avait une colonie de milliers et de milliers de chauves-souris. Je me promenais seul parmi elles, tandis que cet essaim de créatures magnifiques et curieuses, chacune avec une envergure plus longue que mes bras, se réveillait et s’envolait dans le ciel sombre. Ce fut l’un des plus beaux moments de ma vie.

Près de 20 ans plus tard, elles étaient de nouveau sur mon écran de télévision, à nouveau par milliers, peut-être étaient celles de la même colonie. Mais cette fois, elles gisaient mortes sur le sol. Elles avaient vécu une chaleur si intense qu’elles avaient été littéralement cuites vivantes. Des écologistes en larmes circulaient parmi elles sauvant les quelques animaux qu’ils pouvaient, mais comptant surtout leur cadavres.

Puis, il y avait le scientifique, presque perdu dans ses mots, qui expliquait comment de nouveaux satellites pouvaient désormais suivre l’attrition des forêts en quasi temps-réel. Comme une lumière allumée dans un film d’horreur pour démasquer le tueur dans l’ombre , ces cartes digitales animées avaient confirmé les pires craintes du monde. Nous savions maintenant que le monde naturel s’étiolait comme jamais auparavant.

Cette destruction vient des puissances économiques qui alimentent les tronçonneuses et, encore plus viscéralement, des forces climatiques qui alimentent les incendies. Attenborough nous a emmenés là aussi, grâce à la caméra embarquée d’un camion australien quand un père et son fils tentaient d’échapper à l’enfer qui les engloutissait de chaque côté de la route. Ils ont réussi, mais leurs voix enregistrées me hantent toujours. Le fils adulte au volant et clairement effrayé, son père faisant ce que tous les pères essayent de faire à chaque instant – supprimer sa propre peur – rassurer et réconforter. “Ça va aller”. Sauf que parfois, nous mentons.

Vers la fin de l’émission Attenborough s’est retourné et a offert un instantané des technologies propres qui pourraient encore stabiliser notre climat et éviter une catastrophe. Mais après 40 minutes d’irruption de la réalité, on a senti que l’alarme ne suffisait plus, comme si l’histoire exigeait de l’espoir et qu’il n’y avait rien à gagner à rappeler avec force au monde entier que nous sommes pris au piège alors que nous devons opérer une décarbonisation à grande échelle et si désespérément nécessaire. Ce qu’il faut, c’est une transformation industrielle, technologique et économique à un rythme effréné et à une échelle mondiale sans précédent. Il a donc passé la parole à Greta.

Je ne me souviens pas quel discours de Thunberg a clôturé l’émission. C’était avant de traverser l’Atlantique pour mettre l’ONU en face de son enfance volée et avant de se rendre au Royaume-Uni pour rappeler à nos parlementaires contris qu’ils avaient échoué. C’était peut-être celui de son voyage à Davos et son interpellation des soi-disant «maîtres de l’univers»: “Je ne veux pas que vous ayez de l’espoir, je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur que je ressens chaque jour et ensuite je veux que vous agissiez… Soit nous choisissons de continuer en tant que civilisation, soit nous ne le faisons pas « .

Puis, juste au moment où le générique défilait, Fraser s’est réveillé et a commencé à pleurer en réclamant sa mère. Alors je l’ai pris, je l’ai pris dans mes bras et j’ai pleuré avec lui. J’ai pleuré sur le changement climatique. Et puis ma femme a pris ma main et je me suis ressaisi.

La joie et la peur

Je voulais écrire cette tribune depuis des mois. Je voulais l’écrire juste après la diffusion du documentaire, quand Extinction Rebellion était toujours dans la rue. Ensuite, j’avais prévu de l’écrire au cours de l’été et d’en faire ma pièce annuelle de solipsisme cathartique pour mes garçons chéris. Puis j’avais prévu de l’écrire le mois dernier lorsque l’Australie a recommencé à brûler. Mais il y avait toujours du travail à faire. D’autres histoires à écrire et des événements à organiser. Nous sommes maintenant en 2020 et ma promesse d’écrire quelque chose pour Calum et Fraser une fois par an a été brisée.

Peut-être qu’inconsciemment, je retarde l’écriture parce que l’équilibre entre la joie et la peur qui définit à la fois ma parentalité et mon engagement face à la crise climatique devient plus difficile à maintenir.

En public comme en privé, de nombreux vétérans des questions environnementales et écologiques admettent avoir trouvé la dernière année déstabilisante et difficile. Les militants qui ont lutté pendant des années pour mettre la question environnementale à l’ordre du jour constatent que les images des manifestants dans les rues et les promesses de décarbonisation dans les manifestes peinent à les satisfaire et à justifier leurs combats. 

Les leaders du développement durable admettent qu’ils sont heureux d’avoir soudain l’oreille des CEO et un objectif de zéro émission nette à atteindre, mais craignent qu’ils n’aient toujours pas les budgets et l’autorité politique pour atteindre ces nouveaux objectifs drastiques. Les émissions mondiales continuent d’augmenter. Le poids des responsabilités pèse de plus en plus lourdement.

Et l’horloge continue de tourner. Pour beaucoup, 2020 était à la fois une date limite et un point de départ. Le point de bascule à partir duquel les émissions mondiales devaient commencer à baisser rapidement pour garder un espoir réaliste d’éviter un réchauffement de plus de 1,5 ° C en quelques décennies. C’était aussi le moment où l’accord de Paris devait entrer pleinement en vigueur et commencer à tenir la promesse d’une décarbonisation multilatérale. Le point à partir duquel le Trumpisme pourrait être consigné dans les livres d’histoire comme un flirt répréhensible mais passager, avec l’autoritarisme pollutocratique américain.

Et pourtant nous y sommes. Alors que la nouvelle décennie commence, l’Australie est en feu et Jakarta est sous l’eau. La dernière série de pourparlers sur le climat de l’ONU n’a jamais semblé plus délicate et plus fragile depuis le fiasco du sommet de Copenhague il y a plus de dix ans. La géopolitique s’est dégradée en une guerre de rue mafieuse, avec des tueurs à gages en faillite morale et une diplomatie réduite à un racket dans laquelle le pouvoir dicte sa loi :

 – “C’est une bien belle forêt tropicale / atmosphère / site culturel / journaliste que vous avez là, ce serait dommage que quelque chose lui arrive”.

Quelques jours seulement après le début de cette nouvelle décennie, la guerre froide balbutiante qui constitue la trame des malversations présidentielles en Ukraine, de la désinformation des campagnes électorales, des trahisons et des atrocités en Syrie et des assassinats à Istanbul, se traduit en lancements de missiles et en déploiements militaires. Pendant ce temps, les émissions mondiales augmentent, et si elles sont plus proches que jamais du pic, il est de plus en plus difficile d’envisager leur baisse prochaine. 

Comme l’a observé le chroniqueur du climat américain David Roberts dans une lecture essentielle en cette Nouvelle Année, on peut penser qu’il est «inutile» de le dire à haute voix, mais l’objectif de maintenir l’augmentation de température en dessous de 1,5 °C est à peine plausible. C’est techniquement possible, mais très peu probable. Comme le rappelle Roberts:

« Nous avons attendu trop longtemps. En pratique, nous dépassons 1,5 °C en ce moment même et probablement plus de 2°C également. Ce n’est pas un « fait » de la même manière que la science du climat traite les faits – le comportement humain collectif est loin d’être aussi facile à prévoir que les cycles biophysiques – mais rien de ce que nous savons de l’histoire humaine, de la sociologie ou de la politique nous permet de suggérer que de vastes changements marquants dans notre agencement collectif sont probables… 

L’histoire du changement climatique est déjà une tragédie. C’est triste. Vraiment triste. Les gens souffrent, les espèces meurent, des écosystèmes entiers sont en train de disparaître, et cela va inévitablement empirer. Nous sommes en train de faire de la terre un endroit plus réduit, plus grossier et moins hospitalier, non seulement pour nous-mêmes mais pour toutes les espèces kaléidoscopiques de la vie qui ont évolué jusqu’ici dans un climat relativement stable ».

La réponse à tout ce découragement est de se concentrer sur les causes de l’optimisme, et il en reste. Cette année, la préparation du sommet crucial de la COP26 à Glasgow s’accompagnera d’un effort concerté pour mettre en avant les progrès écologiques qui ont été accomplis et démontrer qu’une économie mondiale nette zéro peut être construite au rythme et à l’échelle requis, offrant des bénéfices innombrables en cours de route. Je ferai partie de ceux qui plaideront pour une telle action du mieux que je le peux, mais je ne travaillerai pas dans l’illusion que nos objectifs de températures collectifs et nécessaires ne sont rien d’autre qu’un espoir distant. Le secteur des technologies propres et de l’économie verte a passé la dernière décennie à aller constamment au delà les attentes et à redéfinir ce qui est possible. Le charbon est en voie de disparition et les énergies renouvelables ont démontré leur viabilité à grande échelle. Les attitudes des consommateurs et des politiques évoluent d’une manière jugée encore impossible il y a quelque temps. Et pourtant, tous les progrès réalisés à ce jour ressemblent à un objectif d’égalisation à 10 minutes de la fin pour une équipe menée 5-0. Les miracles existent, mais ils sont rares par définition.

Dans l’état actuel des choses, les prochaines années verront un glissement nécessaire et inévitable de l’objectif de 1,5°C vers la réalisation d’un objectif plus large de construction d’une économie nette zéro et résiliente au changement climatique aussi rapidement que possible. Une vision sous-tendue par la vérité incontestable selon laquelle chaque fraction de degré de réchauffement évité et chaque élément d’infrastructure résiliente au changement climatique qui sera construit sauvera des vies et améliorera les perspectives de l’humanité, même si les impacts climatiques s’aggravent. Une économie plus propre est manifestement plus saine, plus riche, plus sûre et tout simplement meilleure que l’alternative intrinsèquement instable et finalement suicidaire alimentée par les énergies fossiles. Voilà la mission.

Nous entrons par conséquent dans une décennie profondément déroutante où notre réponse à la crise climatique s’améliorera significativement tandis que la crise climatique elle-même s’aggravera. Les deux ne s’excluent pas mutuellement. Une utopie des technologies propres et une dystopie ravagée par le climat peuvent coexister, ce qui, peut-être, est déjà le cas. La façon dont la société réagit à la dissonance cognitive qui résulte de l’accélération de la transition vers le net zéro – tout en observant les cataclysmes climatiques s’intensifier autour de nous – déterminera notre avenir collectif.

Nous pouvons voir cette tension se manifester dans la colère exprimée sur Twitter au regard  des scénarios climatiques futurs , des scénarios du pire plausibles et de leur ignorance erronée ou trompeuse (au choix) au profit d’un business-as-usual hautement contestable. 

Ce débat a conduit à de nouvelles analyses qui suggèrent que nous sommes actuellement plus susceptibles de voir les 3°C, plutôt que les 4°C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici la fin de ce siècle – une conclusion qui, mis à part ses incertitudes massives, ressemble à de “bonnes nouvelles”’, mais qui, compte tenu de ce qui se passe à 1°C de réchauffement et la situation dans laquelle des millions de personnes vivront au-delà de 2100, ne devrait réconforter absolument personne.

Comment utiliser un pistolet

Que faire alors de cet excès de réalité ? Comment consoler votre enfant quand c’est vous qui pleurez? Comment élever des enfants à l’époque de la crise climatique? Mon aîné, Calum, vient de commencer l’école et son frère cadet, Fraser, absorbe – comme seuls les enfants de deux ans le peuvent – toutes les nouvelles habitudes et informations qui arrivent chaque jour à la maison. Cette nouvelle phase de notre vie pose de nombreuses questions. Comment les préparons-nous au monde? Comment se prémunir contre les nouveaux risques auxquels ils seront confrontés et les aider à saisir les opportunités? Que devons-nous enseigner aux garçons quand nous savons que l’avenir sera si différent du présent ? Ou, comme j’écris dans un magazine économique, comment construire une entreprise durable face à la métastase des risques et aux challenges apparemment insurmontables?

Le 10 milliards de Stephen Emmott comprend cette citation désormais tristement célèbre d’un scientifique qui, lorsqu’on lui a demandé de choisir la seule chose qu’il devrait faire face à la crise environnementale, a déclaré « apprendre à mon fils à utiliser une arme à feu ». Cela semble un peu extrême, et pas seulement parce que nos garçons ont quatre et deux ans et que nous ne vivons pas au Texas.

La version pacifiste de ce survivalisme est de se replier dans la nature, de laisser le changement climatique faire son oeuvre et de s’isoler le mieux possible de ses impacts et d’embrasser le monde naturel. Il y a beaucoup à prendre dans une telle approche, comme en témoigne la façon dont notre compréhension évolutive de l’esprit humain met en évidence les immenses avantages physiques et psychologiques qui découlent d’un véritable engagement avec la nature. Mais cela ne semble pas une approche pratique lorsque vous vivez à Lewisham, sans compter que s’éloigner de la lutte contre le climat, c’est admettre que d’innombrables millions de personnes feront face à un avenir sombre et dangereux.

Alternativement, il existe une version consumériste -qui ressemble à l’enseignement du maniement des armes à feu par les enfants- et qui consiste à ignorer tout simplement la dégradation de l’environnement et comment les méga-tendances économiques et politiques impacteront la civilisation dans la décennie à venir – croiser les doigts et espérer. C’est un plan d’action extrêmement tentant et assez répandu. Dans l’Occident riche, il y a même une logique perverse. Il est possible d’examiner les risques locaux à court et moyen terme et conclure que pour de nombreuses personnes, les digues tiendront, les conflagrations frapperont ailleurs et si le pire se produit, les services d’urgence arriveront et les assureurs paieront. Dans le même temps, l’espoir que «la technologie nous sauvera» nourrit les consciences avec l’espoir que nous pouvons encore atténuer les pires risques à long terme.

Et pourtant, se détacher de la réalité des impacts climatiques actuels et de notre avenir projeté équivaut à une abdication de la responsabilité morale, parentale et, au niveau de l’entreprise, légale.

C’est, de plus, ignorer comment les risques et les impacts climatiques s interconnectent et se développent. La dernière décennie de populisme et d’austérité a surtout été façonnée par des réponses bâclées à une crise financière induite par des produits financiers dérivés et des flux migratoires relativement modestes en provenance des pays du Sud. Les impacts les plus évidents d’une crise climatique totale et d’une toute autre ampleur seront les actifs à risque et les migrations à grande échelle. Ajoutez l’insécurité alimentaire dans le mix et vous obtenez une pression systémique que même les pays riches et résilients auront du mal à contenir. Demandez juste à l’’Australie.

Comme l’a noté Nick Cohen de The Observer dans une chronique à lire ce week-end , les sceptiques climatiques de la droite australienne (et certains de leurs compagnons de route Brexiters plus près d’ici) ne peuvent pas nier la réalité indéfiniment . En fin de compte, « le feu brûle toujours ». Et tout cela s’assimile, pour l’occident, à un repli paroissial sur les enjeux. Les conséquences pour les pauvres de ce monde, confrontés à une aggravation des famines pour la toute première fois au cours du siècle – majoritairement causées par le dérèglement climatique- sont tout simplement inadmissibles.

Un bien commun

Face à des risques qui semblent existentiels – même s’ils ne répondent pas encore tout à fait à la définition technique d’une menace d’extinction – il est compréhensible que certaines personnes concluent que la réponse à la question “comment élever des enfants à l’époque de la crise climatique?”’ est de ne pas en avoir. Chacun à sa façon, bien sûr, surtout qu’il s’agit de quelque chose d’aussi profondément intime que la procréation. Mais j’ai toujours eu du mal avec la légitimité du mouvement de “grève des naissances”. Les enfants sont finalement un bien commun. Une société sans enfants est évidemment vouée à l’échec, quelles que soient les catastrophes climatiques qui pourraient lui arriver.

Certes, la réponse au fameux test sur le choix de date de naissance idéal – si vous ne pouviez pas sélectionner une autre variable de type sexe, lieu, race, etc. – n’est pas tout à fait aussi évidente qu’autrefois. Avec l’aggravation des famines, des projections climatiques directement tirées du Livre des Révélations, un écart de richesse grandissant entre les générations, des missiles sur le Moyen-Orient et des données qui suggèrent que l’espérance de vie se dégrade réellement dans certaines communautés industrialisées, il y a de quoi constituer un dossier pour rejoindre les cohortes de Boomers et de Gen X, surtout si vous modifiez les règles pour vous assurer que votre naissance hypothétique se déroule dans un pays industrialisé.

Mais l’hypothèse générale derrière ce test demeure. Au niveau mondial, de multiples indicateurs du bien-être humain et de la santé de la société se sont considérablement améliorés au cours des deux dernières décennies. Compte tenu de tout ce que nous savons sur la réduction de la mortalité infantile, l’amélioration de la richesse et la santé d’une grande partie de la planète et l’avancée, si massivement imparfaite, des droits civils, la meilleure réponse à la question reste :  “en ce moment”’. Même si vous pensez que les progrès récents ont été obtenus en hypothéquant l’avenir de manière insoutenable, il n’y a aucun espoir de s’attaquer aux crises environnementales imminentes s’il n’y a pas de nouvelles générations pour prendre le relais le moment venu. Si la mission est de construire une économie mondiale durable, prospère et atteindre zéro émissions d’ici 2060 au plus tard, alors, les années 2040 et 2050 auront besoin de bonnes personnes.

Des gens biens

Comment alors, au début de cette nouvelle décennie cruciale, nourrissons-nous ces personnes?

Depuis cette soirée où Sir David m’a fait pleurer, j’ai lu tout ce sur quoi j’ai pu mettre la main, même partiellement lié à cette question. J’ai été inspiré par les grèves scolaires, justement réprimandé par l’évaluation accablante de ma génération par Greta, et consterné par la réponse misogyne et moralement en faillite que ce débat a provoqué dans certains cercles familiaux.

Deux thèmes ont émergé. Le première est, qu’ à tous les niveaux d’enseignement possibles, des crèches aux diplômes d’études supérieures avancées et sur le lieu de travail, nous sommes nullement préparés à ce qui vient. Même ceux qui sont profondément engagés dans l’objectif net zéro et dans l’ensemble de la modélisation des risques climatiques ont du mal à comprendre pleinement le rythme et l’ampleur des changements qui sont déjà en cours. Nous sommes engagés dans ce que le parrain de la pensée économique durable, John Elkington, décrit comme la «décennie exponentielle» . Cette prochaine décennie déterminera les perspectives de l’humanité au cours des millénaires. C’est une décennie de conséquences. Mais alors que de plus en plus de gens, y compris nos dirigeants politiques et commerciaux, sont maintenant prêts à ouvrir les yeux sur la crise climatique, nous nous masquons la vue dès dès qu’il s’agit d’examiner les implications qui en découlent.

Bien sûr, chaque général établit ses plans en fonction de la guerre précédente et nous enseignons inévitablement le monde tel qu’il est, pas tel qu’il sera. Mais le rythme du changement et l’ampleur des transformations déjà en cours remettent rapidement en cause la viabilité des approches actuelles. Comme l’a souligné Michael Liebreich, principal analyste en énergie, il existe d’innombrables écoles de commerce et d’ingénieurs qui enseignent des compétences qui ne seront tout simplement pas nécessaires pendant la transition vers l’ère du net zéro, et il en existe trop peu pour enseigner les compétences techniques approfondies qui seront le plus en demande. A l’école, les enfants apprennent à juste titre la science du changement climatique, mais ne sont pas armés de suffisamment d’informations sur les défaillances systémiques qui ont alimenté la crise ni sur les transformations qui seront nécessaires pour désamorcer l’escalade des risques.

Au-delà de cette compréhension technique, comment inculquer les compétences non techniques et la résilience émotionnelle nécessaires pour vivre et prospérer dans un monde de changements tumultueux et de dégradation environnementale historique ? Comment les enfants gèrent-ils le chagrin climatique sans succomber à l’apathie, au nihilisme ou au déni lorsque les adultes ne sont pas plus près de trouver des réponses? Ou, comme Matt Rooney de l’Institute of Mechanical Engineers l’a dit dans un Tweet cette semaine qui m’a presque fait pleurer pour la deuxième fois à propos du changement climatique : « Vous vous demandez combien d’enfants ont été traumatisés par des photos de koalas et de kangourous mourants à la télévision. Cela m’aurait dévasté. »

L’amour et la fureur

Le deuxième thème est cette prise de conscience croissante qu’à côté des compétences techniques qui vont être nécessaires, nous allons devoir parler de valeurs. Je me méfie instinctivement de cette discussion, craignant qu’elle ne se transforme rapidement en enfonçage de portes ouvertes et en gestes politiques à la Golden Globes. Pouvons-nous vraiment conduire une révolution industrielle mondiale et sauver la civilisation grâce au pouvoir des verbes et de concepts abstraits ? Peut-être que nous le devons. 

L’an dernier, l’un des meilleurs articles sur la crise climatique a pris la forme de la belle et élégante méditation de Mary Annaise Heglar sur la façon dont la poursuite de la justice climatique était alimentée par l’amour. Par un amour «assez fort pour briser la terreur… assez chaud pour brûler la colère et se transformer en fureur», un amour qui peut «vous secouer de votre désespoir et vous propulser sur le front du champ de bataille».

De même, le Dr Kate Marvel a médité sur la merveilleuse interconnexion de la crise à laquelle nous sommes confrontés, et la façon dont les vents dominants à travers l’Atlantique signifient que l’Amazonie est fécondée et «vivifiée par un lac mort du Sahara» et comment, en réponse aux fusillades scolaires et aux impacts climatiques, les rues se sont «gonflées d’enfants en colère et de parents au cœur brisé, un chœur de blessures qui aurait retenti dans les couloirs du pouvoir s’ils avaient pu entendre».

Avant la grève mondiale du climat, Alex Steffen a directement réfléchi au « défi de la jeunesse face à l’urgence climatique ». Sa conclusion était un mélange de soins personnels, de préservation de liens collectifs forts et la capacité de «saisir la joie» dans le monde. George Monbiot a offert des idées tout aussi puissantes sur l’importance de réagencer à la fois notre environnement et nos âmes, de nourrir et de restaurer la nature et notre estime de soi. Si tout cela ressemble à un cliché hippie, cela ne le rend pas moins vrai.

«Beaucoup demander aux enfants»

Cette poursuite de la conscience émotionnelle et de la résilience, d’un nouveau mode de vie plus doux, s’inscrit dans le plan plus large de l’économie et de la géopolitique. Dans un fil publié sur Twitter le 11 septembre de l’année dernière, Roberts a réfléchi à une question qui lui avait été posée sur le lien entre le 11 septembre et la crise climatique. Son hypothèse était que le 11 septembre a offert une étude de cas de ce qui se arrive lorsqu’une société réagit à un traumatisme avec « colère, ignorance, belligérance, soif de sang et un refus catégorique de s’engager dans tout type d’introspection », et la façon dont « la rage et la vengeance”… Ne font qu’étendre le traumatisme « .

« Le changement climatique va surtout se manifester par une série de traumatismes – tempêtes, vagues de chaleur, pénuries alimentaires, migrations de masse, etc. », écrit-il. « Maintes et maintes fois, les pays du monde seront obligés de décider, explicitement ou implicitement, comment réagir à ces traumatismes. Si nous nous livrons à nouveau à nos pires impulsions – construire des murs, exclure les étrangers, thésauriser les ressources, nous hypnotiser avec des mythes confortables, évoluant dans nos petits cercles personnels- nous nous enfoncerons dans la merde, comme après le 11 septembre, mais cette fois globalement et de manière irréversible… C’est ce que je voudrais dire aux élèves du monde: vous allez être mis à l’épreuve , encore et encore. Ne soyez pas comme vos parents. Ne soyez pas petits; ne vous retirez pas derrière des murs tribaux; ne vous vautrez pas dans la rage et la justice personnelle. Soyez meilleurs. Vous devez l’être, ou nous sommes foutus.”

C’est, le concède Roberts, «beaucoup demander aux enfants», mais nous en sommes là. Et c’est peut-être là que nous pouvons trouver les plus grandes sources d’optimisme aux côtés de ces courbes si inspirantes de baisse des coûts des technologies propres et ces flux de capitaux qui changent de sens. C’est un minuscule échantillon, mais quand je regarde les premières années  d’école de mes fils, quelque chose de remarquable semble se produire. On dirait qu’au final, ma maman a emporté le morceau. Cette aspiration à un mélange de sensibilité et de résilience semble être partout. L’empathie, la curiosité et la conscience de soi semblent être au cœur de tout ce qu’ils font. Ces petites personnes se saluent chaque matin avec des câlins et des sourires sans moindre jugement ni embarras. Ils savent mieux interroger leurs émotions et le monde qui les entoure que la plupart des adultes. Rien ne sort violemment.

Et on leur apprend tout. Grâce à l’école et au trésor national moderne qu’est CBeebies, Calum absorbe les diagraphes, l’éthique environnementale tout comme les gags visuels sur le théorème de Pythagore. Il a quatre ans. Il connaît déjà le changement climatique, le recyclage et le cycle de l’eau, non pas à cause des écologistes alarmistes ou des enseignants, mais à cause de Go Jetters . Plus largement, il connaît ces choses parce que c’est le monde dans lequel il vit. Il n’a pas à en avoir peur, mais il a besoin de le savoir.

Face aux projections maussades, nous allons devoir élever une génération brillante – heureusement, il y a des raisons d’espérer. Le programme peut être loin d’être adapté à un monde à émissions zéro, mais par chance ou par jugement, l’éthique éducative évolutive de l’époque semble se concentrer sur la polyvalence, la résilience et l’empathie qui seront si désespérément nécessaires tout au long de ce siècle fondateur. Il nous est servi sur un plateau banal, mais il véhicule cet enseignement de sagesse intemporelle contenue dans la seule règle de Kurt Vonnegut : « Bon sang, tu dois être gentil. »

Un rôle ancestral

Tout cela trouve un corollaire dans le monde de l’entreprise. L’émergence de BCorps, de sociétés engagées à fournir des émissions nettes nulles, de technologies propres émergentes, d’employés, qui de tous temps, exigent plus de leurs employeurs qu’un chèque de paie, de CEO avertissant des dangers du populisme et parlant ouvertement de leur mission, tout se conjugue pour prouver que la décarbonisation profonde peut encore être réalisée malgré les échecs continus des dirigeants politiques. Là aussi, il y a de l’espoir.

Ces progrès fournissent une riposte encore insuffisante à la précaution qui devrait accompagner toute discussion de type  «les enfants vont bien» sur un changement de génération. Comme le rappelle Greta Thunberg dans son style brutalement caractéristique : « C’est parfois ennuyeux quand les gens disent: » ‘Oh vous les enfants, vous les jeunes, vous êtes l’espoir. Vous sauverez le monde’. Je pense qu’il serait utile que vous puissiez nous aider un peu. »

Elle a raison, bien sûr. Quand mon fils aîné atteindra ses 40 ans, nous serons en 2055 et nous saurons si l’Europe a tenu sa promesse de construire une économie nette zéro d’ici le milieu du siècle. Nous saurons si l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir les augmentations de température «bien en dessous de 2 °C» aura été plus que des mots sur un morceau de papier. Nous saurons si l’Australie a continué de brûler et si Jakarta a coulé. La prochaine décennie devra simplement passer le pic et procéder à une réduction rapide des émissions mondiales, sinon la trahison générationnelle sera totale – et il y aura beaucoup plus de larmes versées. 

Dans son récent spectacle à Broadway, Bruce Springsteen a raconté comment, juste avant la naissance de son premier enfant, son père lui avait rendu visite en Californie et lui avait demandé pardon de « ne pas avoir toujours été un bon père pour toi ». Springsteen a interprété ces quasi-excuses à la fois comme des conseils sur la façon d’élever ses propres enfants et une engagement de son père sur « ce rôle ancestral dans nos vies ».

« Nous sommes des fantômes ou nous sommes des ancêtres dans la vie de nos enfants », a-t-il déclaré. «Nous leur imposons nos erreurs et nos fardeaux, et nous les hantons, ou, nous les aidons à poser ces vieux fardeaux, et nous les libérons des chaînes de nos propres comportements défectueux.»

La poursuite d’un rôle ancestral est tout.

L’autre soir, Fraser s’est de nouveau réveillé tard dans la soirée. A la crèche on a essayé d’enseigner à ces petits élèves de de deux ans comment reconnaître et gérer leurs émotions. Ils commencent chaque jour par une question simple que nous devrions tous nous poser chaque matin. « Bonjour Fraser, heureux ou triste? » demandent-ils. «Heureux», répond-il invariablement. Cette nuit-là, alors qu’il criait, je suis allé le consoler. Alors que j’atteignais sa chambre, il me regarda directement, se découpant dans l’embrasure de la porte, et déclara « Papa, j’ai peur du noir ».

Moi aussi, mon fils, mais le matin sera léger. Ça va aller.