“Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves”. Humanités numériques (Partie II) - Umanz

“Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves”. Humanités numériques (Partie II)

“Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves”. Humanités numériques (Partie II)

« L’aspect le plus triste de la vie aujourd’hui est que la science accumule les connaissances plus vite que la société n’accumule la sagesse. »

Isaac Asimov

Dans cette deuxième partie de textes essentiels dédiés aux humanités numériques nous avons sélectionnés les textes suivants.

Devant le succès du volet n°1, nous poursuivons notre plongée dans les humanités numérique initiée il y a une semaine en vous proposant 5 nouveaux textes qui interrogent notre rapport à la technologie, donc au monde.

1- A quoi servent les gens ?

Lorsque je demande « à quoi servent les gens », je ne pose pas une question de type « Ou bien/ Ou bien ». Je nous rappelle plutôt qu’une culture figée sous le charme des sciences exactes n’est pas du tout une culture. Lorsque nous révérons la technologie et ses solutions par-dessus tout, nous cessons de voir l’agilité et la nuance qui caractérisent l’intelligence humaine dans ce qu’elle a de meilleur. 

En plaçant la technologie au-dessus de nous, nous cessons de synthétiser des données provenant d’autres sources. Nous passons à côté d’une efficacité durable qui provient d’une pensée holistique, et non d’une optimisation.

….À quoi servent les gens ? Les algorithmes peuvent faire beaucoup de choses, mais ils ne prennent pas soin. Les gens sont faits pour prendre soin.

Christian Madsjberg

2- La machine

Ne pouvez-vous voir, ne pouvez-vous tous voir, vous les conférenciers, que c’est nous qui sommes tous en train de mourir, et qu’ici-bas la seule chose qui vive vraiment, c’est la Machine ? Nous avons créé la machine, pour qu’elle accomplisse notre volonté. Elle nous a volé le sens de l’espace et le sens du toucher, elle a brouillé toute relation humaine et réduit l’amour à un acte charnel, elle a paralysé nos corps et nos volontés, et maintenant, elle nous oblige à la vénérer. La Machine se développe – mais pas selon nos plans. La Machine agit – mais pas selon nos objectifs. Nous ne sommes rien de plus que des globules sanguins circulant dans ses artères, et si elle pouvait fonctionner sans nous, elle nous laisserait mourir.

La machine s’arrête, Edward Forster, 1909.

3- Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves

“Nous avons besoin de data et nous avons besoin de rêves”

L’une des raisons pour lesquelles plusieurs personnes redoutent les machines est qu’ils s’inquiètent d’un monde où l’on peut tout prédire et rien imaginer.

Et ça ne nous rend pas vraiment humain. En fait dans ma carrière précédente de psychothérapeute, nous avions un mot pour décrire la capacité de tout prédire d’après les données du passé et où l’imagination était incapacitée, on appelait cela “un traumatisme”…Et c’est une condition très déshumanisante.

Bien sûr nous avons besoin de data mais nous avons besoin de rêve. Nous avons besoin d’outils et nous avons besoin d’histoire. Mais ce que je voudrais vous proposer c’est ce que l’on caractérise aujourd’hui comme tension entre l’humanité et la technologie n’est que l’instantiation du XXIème siècle de cette tension éternelle entre le désir de la data et des outils pour rendre la vie meilleure et des histoires et des rêves qui nous permettent d’avoir une vie qui fait sens.

Dès lors si nous voulons apprendre mieux, nous devons améliorer notre capacité à faire les deux. Spécifiquement nous avons besoin d’apprendre à faire un travail qui fait sens. Si nous ne nous concentrons que sur un type d’apprentissage : celui qui nous permet de prédire, ou prévenir ou nous adapter au futur, le problème ne sera pas les machines qui viendront mais les machines que nous deviendront…”

Gianpiero Petriglieri, Conférence Learning for Human Living.

4- Est-ce que nous fixons les règles de la technologie ?

En tant que Chancelière fédérale, je dois souvent me poser la question : Est-ce que je fais ce qu’il faut ? Est-ce que je fais quelque chose parce que c’est bien, ou simplement parce que c’est possible ? Vous devriez vous le demander encore et encore – et c’est la troisième pensée que je vous adresse aujourd’hui : est-ce que nous fixons les règles de la technologie ou est-ce que la technologie détermine la façon dont nous interagissons ? Nous concentrons-nous sur l’être humain dans sa dignité sous toutes ses facettes, ou ne voyons-nous que le client, la source de données, l’objet de la surveillance ?

Angela Merkel, Discours à Harvard

5- Discrétiser

L’humain, sans cesse, donne forme au réel, c’est-à-dire qu’il l’édite, qu’il fait un montage plus ou moins sensé et personnel à partir de la soupe disparate de l’être. Seulement, la société de consommation numérique, par son goût de la saturation et sa peur du vide perçu à tort comme identique au rien, tend à transformer ses sujets en spectateurs remastérisés, assujettis à un excès d’informations, le cerveau comprimé par d’incessants stimuli binaires, comme des oies que l’on gave, plutôt qu’assemblant activement des éléments hétérogènes et distincts pour tenter d’en faire un monde. Le cyberespace, si nous déléguons notre imaginaire au pur numérisme, deviendra effectivement un vaste amas d’appartements solitaires où chacun de nous se croira magicien parce qu’il sera entouré de machines habiles à « reproduire le réel » sans autre participation que celle d’appuyer sur une touche, à la façon d’un rat entraîné à se nourrir en actionnant une manivelle. En informatique, transformer une réalité en ordre binaire et codé se dit « discrétiser ». Et en effet, on peut dire que le risque du tout numérique est de rendre l’humain très discret…

Luis Miranda, L’Art d’être libres au temps des automates

6- Et le monde a commencé à mordre

“La technologie se manifeste de manière très différente selon les endroits. Pas seulement un peu, mais beaucoup, c’est-à-dire que nous sommes dans un tout nouvel espace temps.

Lorsque le software a commencé à manger le monde, le monde a commencé à mordre. Parce qu’il s’avère que les soi-disant « valeurs universelles » codées en dur dans les plates-formes technologiques construites en Californie ne sont pas si universelles après tout.”

Sophie Schmidt, (a letter from our founder- Rest of World)