Dans sa célèbre série de Podcast sur Colossus, Patrick O’Shaugnesssy, VC américain renommé, a eu l’occasion d’interroger des entrepreneurs, investisseurs et créateurs légendaires.
Dans un post mémorable “Trail Magic” il a synthétisé les grandes leçons et l’enseignement et les traits des grands créateurs.
Il a accepté que je traduise Trail Magic pour Umanz :
“ Hier, j’ai entendu parler d’un randonneur des Appalaches qu’on appelait Croatoan, ou Crow pour faire court. Crow c’était son surnom de Hiker, tous les randonneurs de l’A.T. (Appalache Trail) en portent. Sachez que vous ne pouvez pas vous donner un nom de hiker. Quelqu’un d’autre doit vous attribuer un surnom en cours de route. La petite amie de Crow s’appelait Porridge. Un autre randonneur qu’il a rencontré en chemin s’appelait Bear Wrestler (lutteur d’ours)… On reparlera de lui.
Crow était un SoBo, un randonneur qui descendait vers le sud, du Maine à la Géorgie. Il s’agit d’un itinéraire bien plus rare, car la plupart des randonneurs sont des NoBos, qui montent vers le nord. Ces randonneurs entretiennent une culture riche. Chacun d’entre eux porte sa propre marque et affiche son propre style de randonnée. Ils sont obsédés par leur équipement et leur nourriture. Ils développent leur propre méthode de marche améliorée pour couvrir le terrain efficacement. Les randonneurs ne s’écartent généralement pas beaucoup de leur chemin, pas plus d’un dixième de mile quelle que soit la raison. Un jour, Crow s’est aperçu qu’il avait perdu un cadeau précieux au bord d’une rivière, il s’en est rendu compte deux dixièmes de miles plus tard mais a continué à avancer. Les deux exceptions à cette règle sont : la visite d’une brasserie et la recherche d’une glace artisanale.
Il existe différents types de randonneurs. Les « blouson blancs » sont des randonneurs qui suivent le sentier principal, éclairé par les fameux signes blancs qui jalonnent le chemin. Les « blousons bleus » vont souvent un peu plus loin, en explorant des sentiers secondaires en plus du sentier principal. Le randonneur blouson vert fume de l’herbe tout le temps. Il en existe d’autres, plus colorés, dont je ne parlerai pas ici, car ils sont interdits au moins de 18 ans.
Apparemment, il y a plusieurs façons de repérer un imposteur. Ma préférée est que toute personne portant de grosses et robustes boots de randonnée devrait être pris avec des pincettes parce que la plupart des randonneurs se rendent rapidement compte qu’elles sont beaucoup trop lourdes et optent plutôt pour des chaussures légères. Crow, lui, arborait juste une belle paire d’Altras.
Ce qui nous ramène au fameux Bear Wrestler. Autour d’un feu de camp, Bear Wrestler racontait à Crow et à sa petite amie ses aventures et ses exploits sur les longues pistes, mais Crow s’est alors fait la remarque que Bear Wrestler était toujours aussi grassouillet, avec 40 livres de graisse excédentaires. C’est une deuxième façon de repérer un imposteur potentiel. Lorsque l’on fait de la randonnée intensive pendant des mois, il est impossible de ne pas perdre du poids. Bear Wrestler était donc clairement un « blouson jaune », un type de randonneur qui se déplace en voiture entre les points de départ des trails au lieu de parcourir l’intégralité des sentiers comme les puristes.
En entendant parler de Crow et de son aventure, j’ai réfléchi à ce que j’avais appris au fil des ans sur mon podcast. Je me suis rapidement rendu compte qu’il y a beaucoup de « blousons jaunes » dans le monde et qu’à de nombreuses reprises dans ma vie, j’ai également été un « blouson jaune », choisissant des voies plus faciles mais moins authentiques et moins intéressantes. Le podcast fait partie de cet ensemble de choses que j’ai mises en place dans ma vie pour essayer d’éviter d’être un « blouson jaune », et me pousser à être plus « blouson bleu”, et aller à l’aventure.
En repensant aux invités incroyables que j’ai reçus, je réalise maintenant l’état d’esprit commun qui les unit, et j’aimerais mettre cet état d’esprit en lumière ici. Bien que mes invités soient issus de tous les milieux possibles et imaginables, qu’ils soient investisseurs ou non, ils sont tous à la recherche constante d’expériences originales.
Cela peut sembler une évidence, mais il est rare de rencontrer des personnes dont la configuration de base est la recherche l’expériences originales. Ces personnes se distinguent rapidement à mes yeux parce que je peux reconnaître en elles de la fraîcheur et des schémas que je n’ai pas déjà vus dix fois ailleurs.
Je me demande souvent à quel point je fais quelque chose par pure convention ou imitation. Je pense que si vous faites le même exercice, vous serez alarmé par le nombre de fois où vous pouvez répondre par l’affirmative.
Or si l’on s’intéresse de plus près à ces personnes et à ce qui unit tant de mes anciens invités, on constate que quatre éléments reviennent sans cesse.
Une profonde curiosité
Le premier trait commun est une profonde curiosité. Après avoir rencontré toutes ces personnes, je pense que la curiosité fonctionne idéalement de deux manières : en construisant des unités d’exploration et en acceptant des intersections étranges.
Lorsque les gens me demandent ce que je fais, je me contente parfois d’énumérer les choses que je fais réellement, au lieu d’indiquer le titre de mon poste. Je dis alors que je lis des livres, des rapports et des articles. Que j’effectue des tests sur de la Data. Que j’ai des tonnes de conversations individuelles avec des personnes dans tous les coins et recoins du monde de l’investissement. Que Je parle à des clients et à des prospects. Que je rédige des lettres et des livres blancs. Telles sont mes unités d’exploration, et j’espère les répéter à l’infini. Je n’ai aucune idée de l’endroit où cela pourrait me mener, mais je suis certain que la répétition alimentée par la curiosité me permettra de trouver de bonnes choses.
Brent Beshore, mon ami proche et l’invité le plus fréquent du podcast, a examiné 12 000 transactions commerciales. C’est ce qu’on peut appeller de la répétition. Je pense que la curiosité, et les opportunités d’investissement intéressantes qu’elle crée, constituent un ensemble d’habitudes. Trouver les bonnes habitudes, les bonnes unités d’explorations, est un bon début.
Je vois aussi souvent ce que j’appelle des intersections étranges. Imaginez un diagramme de Venn avec des chevauchements minuscules mais intéressants. Certaines des choses les plus intrigantes que j’ai apprises se trouvent dans ces intersections étranges.
Ali Hamed et Savneet Singh, associés au sein d’une société appelée CoVenture, ont découvert des chevauchements intéressants entre les mondes du crédit, de la technologie et des entreprises de la vieille économie. Qu’il s’agisse des retours de chaussures en ligne ou de pastèques, ils ont trouvé des moyens uniques de prêter à des taux élevés, sur des plateformes uniques rendues possibles par la technologie.
Je vois souvent des gens qui utilisent des centres d’intérêts, des idées ou des stratégies apparemment sans rapport entre elles pour produire quelque chose de différent. J’encourage tout le monde à réfléchir à d’étranges façons de combiner leurs domaines d’expertise et d’intérêt.
La persévérance face aux aléas
Le deuxième trait commun est la persévérance face aux aléas. Lorsque je parle aux gens de l’importance de la curiosité, ils disent parfois que cela semble trop facile, limite amusant. La bonne nouvelle pour ces sceptiques, c’est que le plus souvent, ce n’est pas amusant, plutôt un véritable travail de fourmi.
En y repensant récemment, j’ai constaté que je ne finissais qu’un livre sur les sept que je commençais. Et même la plupart de ceux que je termine ne sont pas excellents. En d’autres termes, je lis une quantité incroyable de livres médiocres pour trouver le seul livre qui fasse la différence. Cela se produit tout le temps. La grande majorité des données et des idées que nous étudions chez O’Shaughnessy Asset Management, par exemple, n’aboutissent à rien.
Je pense que la plupart des gens seront d’accord pour dire que les chemins de la découverte sont souvent fastidieux, remplis d’impasses et, surtout, totalement hasardeux. Mon exemple préféré de cette persévérance à travers les aléas a été ma conversation avec Josh Wolfe, que je recommande dans son intégralité.
L’une des phrases que j’ai le plus intégrée au cours des deux dernières années est la phrase de la tribu Shangaan Hi Ta Xi Uma, que j’ai apprise auprès de Renias Mhlongo, l’un des meilleurs pisteurs d’Afrique. Elle signifie « nous la trouverons », et Renias ne cesse de la marmonner lorsqu’il perd sa piste et s’efforce de trouver la suivante. Tout est difficile, et généralement beaucoup plus difficile que nous ne pouvons l’imaginer. Toutes les meilleures personnes que j’ai rencontrées grâce au podcast ne se laissent pas arrêter par cela. Au contraire, Ils semblent avoir pris conscience de cette difficulté constante et s’y sont habitués.
Ce deuxième trait, la persistance à travers l’adversité, est peut-être ma façon préférée de tester les blousons jaunes. Dans le monde des affaires et de l’investissement, il y a beaucoup de gens qui sont de beaux parleurs. Mais si vous continuez à éplucher l’oignon, en posant des questions de plus en plus précises à un blouson jaune, vous ne trouverez rien d’original. En revanche, lorsque vous tombez sur quelque chose, que vous n’avez jamais entendu auparavant, après avoir enlevé plusieurs couches, c’est pour moi le signe d’une recherche persévérante. C’est ce genre de personne que je recherche.
Le Risk Management
Le troisième trait commun est la gestion des risques. Il est fréquent d’assimiler l’incertitude à un risque, mais je pense que c’est une grave erreur. Toutes les bonnes choses se trouvent dans des endroits qui n’ont pas encore été cartographiés.
En fait, pour pousser plus loin l’idée de l’expérience originale, ce qui est commun aux plus grands personnages que j’ai rencontrés, ce n’est pas seulement cette quête d’expériences, mais aussi cette capacité de mettre de l’ordre dans le chaos qu’elles ont trouvé dans l’incertitude.
À mon avis, il ne s’agit pas d’un risque. Ce qui est risqué, c’est de ne pas rechercher le chaos.
Mais il y a aussi les risques concevables, c’est-à-dire les choses qui pourraient mal tourner et dont nous pouvons dresser la liste à l’avance. À cet égard, mes invités sont souvent très réfléchis : ils élaborent des plans à mettre en œuvre lorsque des scénarios de risque spécifiques se réalisent.
J’ai adoré l’histoire de Mike Zapata à propos de la nuit la plus noire. Son équipe de SEAL et lui ont pour habitude de se préparer et de s’entraîner dans les moindres détails lors d’une mission, élaborant des plans pour tous les risques, puis ils lancent leur attaque lors de la nuit la plus noire, car même si les conditions sont plus difficiles dans l’obscurité, leur préparation et l’atténuation des risques les rendent d’autant plus brillants en environnement difficile.
En ce qui concerne l’investissement plus spécifiquement, nombre de mes invités se concentrent clairement sur la protection contre les risques de baisse. Plusieurs personnes m’ont confié qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les choses peuvent mal tourner, mais beaucoup plus de raisons inconnues pour lesquelles les choses tournent bien. Alors, au lieu d’essayer de prédire ce qui va marcher, il faut s’efforcer d’éviter les pièges les plus courants.
Mon exemple préféré s’est produit en Afrique, où l’on nous a répété 100 fois de ne pas courir lorsque des lions nous chargeaient. Il s’agit d’un facteur de risque courant et connu (chacun de nos guides avait été chargé plus de 50 fois), mais qui peut être facilement atténué. Si vous ne courez pas, le lion s’arrête. Si vous courez, il vous attaque et vous mange. Cette leçon doit vous être inculquée une centaine de fois, car l’instinct de base, comme c’est souvent le cas en matière d’investissement, est de fuir.
Pour le quatrième trait partagé, revenons une dernière fois à notre randonneur, Crow. C’est par mon ami Bill que J’ai entendu l’histoire de Crow, il l’a pris en stop pour l’emmener rapidement en ville. Bill a proposé à Crow de lui offrir un dîner. Il a accepté avec un grand sourire, en disant à Bill « wow, ça c’est la vraie magie du chemin ».
La magie du sentier (trail magic) est mon expression préférée dans la culture de la randonnée. Les randonneurs racontent d’innombrables histoires sur la magie du chemin, qu’ils retrouvent dans les actes de gentillesse et de bonne volonté dont ils sont l’objet de la part d’inconnus tout au long de leur voyage. De la nourriture, un abri, un petit coup de main, un biscuit fait maison. Prenez le temps de considérer à quel point la magie du chemin est incroyablement positive. Ceux qui la donnent et ceux qui la reçoivent en sortent tous deux gagnants.
Malgré tout ce que j’ai appris sur le monde des affaires et l’investissement au cours de ces deux années, la question que je préfère poser est toujours la dernière de chaque épisode, elle concerne les actes de gentillesse.
Le fait d’entendre plus d’une centaine d’histoires de gentillesse de la part de ces personnes a été pour moi le point culminant et la meilleure leçon. En résumé, ce que j’ai appris de ces personnes, c’est qu’il faut toujours suivre sa propre voie.
Trouvez les bonnes unités d’exploration, acceptez les intersections étranges et envisagez soigneusement ce qui pourrait mal tourner. Reposez-vous quand vous en avez besoin, soyez tenace et agressif quand la situation l’exige, mais continuez à avancer. Tout cela dans le respect des autres et avec autant de magie que possible.
Merci à tous ceux qui ont participé à l’émission et merci à vous de m’avoir écouté pendant toutes ces années. Je promets de poursuivre ce processus de découverte d’une manière ou d’une autre, pour toujours.
Patrick O’Shaugnessy