“Si nos pensées n’ont nulle part où agir, elles agissent sur elles mêmes.”
William Paley
Et si nous pensions trop ? Et si les circonvolutions de nos cerveaux, nos constantes spéculations étaient un mécanisme de défense ? C’est toute la question du “Binge Thinking”.
Quest-ce que le binge thinking et comment savoir si, malgré-vous, vous n’êtes pas devenu un Binge Thinker ?
Chambre d’écho sous stéroïdes
Si la candidature de l’expression “Binge Thinking” 2013 dans le Dictionnaire Collins n’a à cette date pas encore été acceptée. L’Urban Dictionnary a saisi la balle au rebond et dûment répertorié cette propension à sur-penser dans une courte période de temps :
Le Binge Thinking se définit ainsi comme :“Une explosion massive d’activité cérébrale, le plus souvent inutile, en une seule séquence. Cela entraîne généralement une perte de mémoire temporaire, un empoisonnement de l’information et l’absence de sexe.”
Extrapoleur à vide
Bref en mode Binge Thinking le cerveau tourne à plein mais produit du vide. Actuellement seuls quelques curieux s’intéressent au phénomène. Il y en Australie un podcast du même nom tandis que l’essayiste Brianna West a identifié 16 façon de reconnaître un Binge Thinker.
En bref, le Surpenseur est un extrapoleur en chef, surinvesti émotionnellement. Il se sur-crée des problèmes qui, in fine, le noient dans une activité intellectuelle anxiogène et toxique.
Le binge thinker est en fait tout l’inverse du penseur profond. On comprend aussi que si le Binge Thinker a existé de tous temps, il n’est pas aidé aujourd’hui par l’arsenal digital disponible pour étendre le domaine de sa pensée crépitante mais désordonnée.
« Mon esprit est comme mon navigateur Internet : 15 onglets ouverts, 3 gelés. Et je ne sais pas d’où vient la musique ».
Peter Vermeulen
Arrêter la pensée automatique
Mais peut-on arrêter le Binge Thinking ? L’une des solutions pourrait être d’abord d’apprendre à ralentir le flot de ses pensées pour identifier l’un des ferments les plus invisibles du flux intellectuel : les pensées automatiques qui constituent parfois jusqu’à 50% des activités du Binge Thinker.
Les colonnes de Beck (d’après le Psychologue Aaron T Beck) peuvent constituer l’un des moyens d’identifier les pensées automatiques et les ruminations anxieuses et de les poser sur le papier. Elles consistent à noter dans 3 ou 5 colonnes la situation, la pensée négative générée, l’émotion ressentie.
Le binge Thinker, un agité perpétuel généralement hostile à la méditation, pourra ainsi procéder à des exercices de “décentration” pour sortir de sa situation et du flot inutile des pensées de surface :
Un exercice de décentration consiste à se poser quelques questions permettant d’arrêter le flot de pensées encombrantes ?
1- “Que ferait X,Y ou Z à ma place”,
2- “Ferais-je la même chose si j’étais dans tel endroit ou en présence de telles personnes, ou si j’avais le temps ?”
3- “Est-ce que je penserai la même chose dans 10 ans ?”
Des ultra-perfectionnistes en mode auto-critique
Gladeana McMahon, une thérapeute Britannique s’est de son côté penchée sur le lien entre Binge Thinking et perfectionnisme. Les ultra-perfectionnistes ont en effet une forte propension à l’auto-critique et laissent leur esprit battre la campagne et échafauder des scénarios généralement catastrophiques.
Son conseil : trier ses réflexions en pensées abstraites inutiles (à éviter) et concrètes (à favoriser).
Julie Rivière, psychologue et auteure d’un séminaire sur les ruminations souligne à ce propos que les pensées en boucle deviennent dysfonctionnelles dès qu’elles tournent à vide sans finalité de résolution et empêchent d’agir.
La première étape est de passer du “Pourquoi” (pourquoi j’ai ces pensées ruminantes) au Comment (comment, concrètement je peux sortir de ces boucles cognitives).
Elle recommande ainsi de se concentrer sur le processus des ruminations et non sur leur sujet et leur volume. D’identifier les déclencheurs et d’y substituer des activités absorbantes dites de “Flow” (au sens de Csikszentmihalyi). Ces activités permettent une focalisation sur l’instant et un retour au concret. A terme, ces activités de flow viennent occuper la place des pensées circulaires et constituent une véritable barrière “attentionnelle”.
Car dans ses formes intenses, le Binge Thinking ou les ruminations en boucle que l’on retrouve souvent chez les grands perfectionnistes produisent des effets secondaires incapacitants et génèrent, dans leurs formes graves, de véritables attitudes d’évitement nécessitant le recours à un thérapeute,
Autre insight de taille sur nos pensées ruminantes : « le Binge Thinking est ce qui arrive lorsque l’introspection devient un moyen d’éviter un problème » souligne Brianna Wiest
C’est pourquoi la multiplication des contacts sociaux est souvent la meilleure alternative au Binge Thinking.
Les autres sont souvent la meilleure façon de sortir de soi.