L’idée du télétravail est séduisante surtout quand elle est mûrement réfléchie, préparée et anticipée… malheureusement cette semaine c’est le Covid-19 qui en a décidé autrement. Sentiment de liberté, gage de reconnaissance, le télétravail est le dernier recours pour poursuivre une activité quoi qu’il en coûte. Mais comment maintenir un rythme seul chez soi, sans usages, quand on est salarié, comment maintenir le lien avec ses équipes quand on est dirigeant ? Seul mot d’ordre : la confiance !
Le réveil sonne avec le doute qui s’installe quant à la nécessité de se lever et de s’habiller face à cette liberté nouvelle. Finie la course de réunions en réunions, finis les moments privilégiés avec les collègues, place à une nouvelle gestion du temps. L’heure est au retour sur soi, tout en prenant soin des autres et en conservant le lien. Il faut donc accepter son propre rythme sans pour autant le perdre, se réapproprier sa durée personnelle, celle que Bergson oppose au temps des horloges.
Cependant, il faut rester connecté aux gens qui nous entourent en s’imposant un minimum d’obligations. On impose aux enfants d’avoir une routine rassurante, il en est de même pour les adultes. Il est donc impératif de se fixer un emploi du temps clair et régulier, afin de se donner un cadre et inciter les salariés à en faire de même. Peu importe qu’ils ne travaillent pas autant qu’au bureau ! Les circonstances sont ce qu’elles sont, il faut donc composer. Il est d’ailleurs préférable de les inciter à mettre en place des pages horaires de travail, même plus courtes et qu’ils puissent s’occuper totalement et en pleine conscience de leurs enfants. Le temps de qualité sera ainsi privilégié, sans parasitage et sans distraction.
Management virtuel ne veut pas dire pour autant management absent. Deux jours de confinement nous ont déjà montré à quel point les collaborateurs ont besoin d’échanger, de se retrouver à l’occasion de réunions téléphoniques. On prend plus de temps pour chacun d’entre eux, on a finalement plus d’attention, moins préoccupés que nous sommes par notre agenda surchargé et millimétré. C’est également le retour de la voix. On constate ce besoin de se téléphoner, d’entendre ses équipes, les rassurer, les motiver, les mobiliser. Or le virtuel permet tout autant de préserver le lien, voire, le renforce. Prendre rendez-vous pour un moment privilégié qui passe par la voix, de façon dépouillée, simple, sans artifice entraîne davantage de sincérité dans les rapports humains. L’absence d’image, qui entaille parfois la vérité, en exagérant, voire en travestissant certains aspects, conjuguée à la force de la voix, ainsi érigée en reine, renforcent l’intuitu personae mais également l’exclusivité du moment. Libérés des contraintes des conversations efficaces aux cadences effrénées, on laisse la place au temps long et de qualité.
De plus, le management virtuel doit reposer sur un socle essentiel qui est la confiance réciproque. Il faut ainsi trouver l’équilibre entre cette confiance et l’accompagnement. Chaque collaborateur doit être reconnu comme responsable et autonome. Il est donc en mesure de piloter ses projets, d’alerter en cas de difficulté et de prioriser. Pour les plus juniors, un accompagnement plus régulier peut être proposé afin de ne pas naviguer à vue mais c’est en faisant confiance que l’entreprise responsabilise ses collaborateurs et les rend acteurs de leur mission auprès de leurs clients. Comme dans un orchestre, chacun joue sa partition et suit le rythme donné par le chef d’orchestre, laissant aux différents pupitres d’instruments l’autonomie de travailler les passages plus complexes. C’est en donnant du sens aux missions réalisées que le collaborateur pourra également gagner en autonomie. Il est primordial d’expliquer à chacun son rôle dans l’entreprise, quels sont les attentes, objectifs, tenants et aboutissants. On ne pourra pas exiger du salarié un engagement total (encore plus avec un management virtuel) si aucune direction, ni explications ne sont données.
Ainsi, entre sentiment d’isolement et manque de temps de socialisation, le confort n’est pas celui que l’on imagine. Alors oui il existe de nombreux logiciels, applications permettant de suivre, d’organiser, de piloter le travail de ses équipes. Mais remettons l’humain au cœur de la démarche. Réapprenons tout simplement à prendre du temps pour ses équipes.
Delphine Jouenne est associée fondatrice du Cabinet Enderby