Depuis 25 ans, le Top Employers Institute est un observateur attentif et vigilant des évolutions du monde du travail et des ressources humaines.
En France, des entreprises comme BNP Paribas, Sanofi, SNCF et Orange ont été distinguées par l’Institut qui travaille avec plus de 1 550 organisations dans 118 pays.
Nous avons rencontré Vincent Binetruy, Directeur France du Top Employers Institute, pour l’interroger sur les métamorphoses du sens au travail.
Umanz- Quels sont vos enseignements sur l’évolution du sens au travail ?
Vincent Binetruy : Au fil des années, le sens au travail est devenu primordial dans les motivations d’un candidat à rejoindre une entreprise. Nous avons constaté que l’attribut Culture/Valeur ressort à 72% dans les priorités des candidats dans nos études RH et à 70% pour l’attribut Mission/Vision. Loin devant celui du “Poste à pourvoir” qui reste à 42% (Etude Linkedin).
Nous constatons également une importance accrue dans nos enquêtes des catégories “culture” et “bien-être au travail” ainsi que des dimensions “éthique”, “intégrité” et “responsabilité sociale de l’entreprise” qui deviennent de plus en plus prégnantes dans les préférences des candidats d’après le Baromètre “les Français et l’emploi” réalisé par le cabinet de recrutement PageGroup.
Umanz- Quels sont les nouveaux critères d’engagement des salariés ?
Vincent Binetruy : L’insight fondamental est que pour intéresser les salariés et pour qu’ils se sentent investis, il est important d’assurer la cohérence entre l’Employee Value proposition et l’expérience réellement vécue.
Ce “gap” de cohérence est ce qui ressort fréquemment dans nos enquêtes. En France, cette cohérence n’est ressentie que par 14% des salariés. Et 43% ne répondent pas à la question ce qui en dit long sur le niveau de désengagement… (Etude Weber Shandwick – 2017). 1 Top Employers sur 2 a d’ailleurs décidé d’accroître les investissements dans la “Mission d’entreprise”.
L’autre volet de l’engagement tient à la transparence accrue des organisations. Concrètement, elle se traduit par une culture de la transparence sur les politiques salariales et les différents éléments constitutifs du variable mais aussi une transparence accrue dans la communication sur tous les impacts business et les décisions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Les trois quart des Top Employers ont ainsi fait le choix d’informer les collaborateurs sur ce qu’ils font et pourquoi il le font.
Le dernier vecteur de l’engagement est celui de la confiance qui implique une autonomie croissante et une responsabilisation des employés pour qu’ils participent activement à la définition de leurs objectifs annuels et à la mise en place des plans d’actions faisant suite aux enquêtes d’engagement.
La dernière tendance qui accompagne ce regain de la confiance est celle qui accompagne le développement du télétravail et du Flex Office.
Umanz – Quelle est la clé du futur du travail et des pratiques RH ?
Vincent Binetruy : Je pense qu’au-delà de la transparence au niveau stratégique, les RH doivent traduire les valeurs de l’entreprise en comportements observables.
90% des organisations que nous certifions traduisent leurs valeurs en comportement attendus.
L’autre clé qui fait sens c’est que les entreprises à l’avenir ne vont plus seulement mesurer les objectifs mais aussi la façon dont ils sont atteints. Ainsi, si un collaborateur atteint ses objectifs au détriment des autres, sa carrière sera freinée. Une évolution salutaire qui marque la fin de l’époque de l’objectif à tout prix.
La dernière clé est celle de “l’engagement permanent” qui consiste à prendre le “pouls de l’engagement” et qui se mesure non pas d’une manière annuelle mais au “jour le jour”, au moyen des pulse surveys. Un phénomène lié à l’accélération des cycles business. 35% des Top employers procèdent à des “pulse surveys” régulières.
Ma conviction est que les organisations qui manquent ces virages devront faire face à un désengagement accru à l’avenir.