“Empêcher que le monde ne se défasse...” Le discours  de Clément Choisne - Umanz

“Empêcher que le monde ne se défasse…” Le discours  de Clément Choisne

Puissant, authentique, inspiré et fondateur. Le jeune ingénieur Clément Choisne a prononcé un discours poignant et mobilisateur lors de la remise des diplômes de Centrale Nantes.

La vidéo du discours de Clément Choisne :

 

En voici le texte intégral :

“Mesdames et Messieurs Re, Re, Re…Vous avez compris, bonjour. Je vous ai fait un peu rire jusqu’à maintenant…Je vais vous inviter à fermer les yeux. Une petite pause, le fond est souvent plus important que la forme…

Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas mais sa tâche est encore plus grande elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse

Albert Camus

Voilà maintenant deux mois que j’ai fini mes études, ça y est je suis ingénieur, je suis diplômé. Youpi, comme ils disent dans la chanson. Les gens me demandent souvent: “ Et toi euh…T’es ingénieur en quoi ?”

Et là toute suite…Un malaise…Je ne sais pas quoi leur dire…

Comme bon nombre de mes camarades alors que la situation climatique et les inégalités de notre société ne cessent de s’aggraver que le GIEC pleure et que les êtres se meurent, je suis perdu, incapable de me reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur en rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation.

Si on simplifie quelque peu la situation un ingénieur serait celui qui doit trouver des solutions aux problèmes qu’on lui pose.sans jamais remettre en cause jamais ce qu’on lui demande. C’est pas son rôle, on ne lui demande jamais son avis.

Cette vision je la trouve étriquée, évidemment j’aime trouver des réponses. Mails il m’apparaît primordial de comprendre les questions. Prendre de la hauteur, un certain recul pour saisir les enjeux qui sous-tendent nos priorités et prioriser nos actions.L’éthique c’est ce que doit retrouver l’ingénieur et ne pas perpétuer les erreurs du passé et du sacro-saint progrès qui devrait et pourrait toujours nous sauver.

Je vous rappelle par exemple que nous, ingénieurs, sommes les géniteurs de l’obsolescence programmée. Alors quand dans mon école le budget du bureau du développement durable se voit amputé, quand la ville de Nantes bouillonne d’idée et d’initiatives pour améliorer les choses et que mon école est à la traîne…Quand sobriété et décroissance sont des termes qui peinent à s’immiscer dans les programmes centraliens mais que de grands groupes industriels à fort impact carbone sont partenaires de mon école, je m’interroge sur le monde et le système que nous soutenons. Je doute et je m’écarte.

Je me rappelle avec amusement le discours de notre directeur quand je suis arrivé en 2014 ce dernier nous a invité à prendre la parole à donner un rôle, un vrai à l’ingénieur dans notre société, à faire entendre notre voix…

Eh bien, monsieur le directeur je prends aujourd’hui la parole pour dire que je pense que vous vous trompez sur la vision que vous avez de la transition écologique et les moyens que vous lui attribuez. Mon école, votre école, c’est aussi celle de toutes les formidables rencontres, amis et professeurs, que j’ai eu la chance de faire.

Je pense qu’il n’est pas trop tard de faire de Centrale Nantes un laboratoire de solutions techniques sobres et durables, de changer la donne et de construire un futur souhaitable où l’argent n’est plus la seule valeur.

Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés peuvent changer le monde, c’est toujours comme cela que ça s’est passé.

Margared Mead

Merci. « 

Clément Choisne, 21 décembre 2018.