L’étrangeté de nos vies et les réflexions sur ces temps incertains nous amènent à nous interroger sur un futur flou, diffus, non écrit et difficile à envisager. Elle nous force à nous accommoder chaque jour de l’incertitude. En temps normal, les changements brutaux de vie, les nouvelles relations, les surprises bonnes ou mauvaises nous angoissent. Quid de l’immense période d’incertitude existentielle qui s’offre à nous ? Plusieurs réflexions peuvent nous aider à sortir de l’angoisse et embrasser l’incertitude
Allez de l’autre côté
La vérité et l’accomplissement sont souvent de l’autre côté nous dit David Murray, à université du Kent. Mais vous ne le savez pas avant d’avoir pris le risque, surmonté vos peurs et sauté le pas. Mark Goh, célèbre designer nous invite à sortir de la sécurité des plans à 10 ans : Il constate que “la seule constante est l’incertitude”. Il nous rappelle que
“L’incertitude est le premier job de l’entrepreneur. »
La vie linéaire n’existe pas
Il suffit de se pencher sur nos vies ou les vies des autres pour envisager l’incertitude et réaliser que le relief des vies est en fait une suite de surprises, de tragédies ou de heureux hasards. La vie linéaire n’existe pas. L’écrivain Philippe Jacottet le rappelle avec sagesse, l’incertitude est le moteur :
“A partir de l’incertitude avancer tout de même. Rien d’acquis, car tout acquis ne serait-il pas paralysie ? L’incertitude est le moteur, l’ombre est la source. Je marche faute de lieu, je parle faute de savoir, preuve que je ne suis pas encore mort.”
Nos vies sont saturées d’incertitudes qu’elles soient externes ( récession, guerre, pandémie) ou internes (nos changements de valeur, d’opinions et de perceptions). In fine, l’incertitude est le moteur qui nous pousse à douter et réévaluer nos vies. 80% des gens changent de carrière… En cheminant, nous actualisons, nos définitions du succès et de la réussite. L’incertitude est un acte naturel.
L’incertitude est une curiosité
Edgar Morin l’avait compris il y a bien longtemps :
“La connaissance est une navigation dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitudes.”
Il rappelait cette leçon encore récemment :
Une des grandes leçons de la crise: nous ne pouvons échapper à l’incertitude: nous sommes toujours dans l’incertitude du remède au virus, dans l’incertitude des développements et des conséquences de la crise.
— Edgar Morin (@edgarmorinparis) March 22, 2020
Une mission de l’éducation: enseigner à affronter l’incertitude.
Elle permet par là de s’ouvrir à l’apprentissage et se permettre de croître. C’est le moteur du Growth Mindset (apprendre, s’adapter et croire) dont parle Carol Dweck professeur à Stanford, Pour elle, sortir de sa zone de confiance crée de nouvelles connexions neuronales et rend plus résilient et plus habile.
Les plans changent
Selon Rohan Kumar, spécialiste en physique quantique et grand amoureux de l’incertitude, les parents font très vite l’apprentissage de l’incertitude, et vont de surprises en surprises alors que leur enfant change. Il rappelle que l’anxiété produite par l’incertitude n’est pas productive. L’incertitude, c’est une angoisse du futur. Généralement elle ne fait qu’aggraver les symptômes de détresse mentale. Elle menace notre survie,notre bien-être et notre sécurité.
Il n’y a pas de réponse juste
« Il faut arrêter de chercher la réponse juste » plaide David Berry, ancien joueur de Poker professionnel à Las Vegas qui rappelle qu’une célèbre étude inaugurée par Philip Tetlock en 1984 a posé pendant 20 ans 27.000 questions à 260 experts. Au final ce groupe d’expert s’est révélé aussi mauvais que des réponses choisies purement au hasard. C’est aussi la raison pour laquelle 60% des gestionnaires de fond sous-performent les indices boursiers.
Acceptez vos métriques négatifs
Au final, un seul élément a distingué les experts les plus fiables dans l’étude. Et ce n’était ni leur âge, ni leur discipline, ni leur niveau de confiance dans la prédiction mais : le doute et l’humilité. Il faut donc savoir accepter l’échec, aimer les gens qui doutent et la probabilité de l’échec car c’est elle qui vous fait progresser…Acceptez vos métriques négatifs exhorte David Barry. Warren Bennis, un spécialiste du leadership qui a étudié la vie des plus grands leaders a montré que ce sont les gens que l’on a le plus souvent trompés et rejetés, comme Lincoln, qui ont fait les plus grandes carrières et qui ont marqué l’histoire.
“Si vous faites confiance à 100 personnes, peut être que 20 vous laisseront tomber mais vous gagnerez plus des 80 restants que si vous ne faites confiance en personne”
Traversez le “dense brouillard de l’incertitude”
Il faut donc accepter de traverser “Le dense brouillard de l’incertitude “ cher à Brené Brown. Car le plus grand problème c’est pas l’incertitude, c’est de permettre à l’incertitude de rendre le monde moins beau et moins riche. Comme nous l’exprime Josuah Bailey : Président d’une ONG
“Je ne promets pas que ça va être facile. Mais je te promets que ça va valoir le coup. C’est un futur qui vaut la peine d’être exploré”
L’acceptation profonde
Pour mieux gérer l’incertitude, Berit Hessing, psychothérapeute conseille l’acceptation profonde : “Et si ce qui vient de se passer était exactement ce qui devait se passer ?”. En bref, faire confiance à l’incertitude. Ce qui rend puissant au final, c’est notre capacité à gérer l’adversité. Il ne faut pas chercher le confort du “retour vers le connu” qui rend malheureux car il blesse par comparaison lorsque l’on n’a pas bougé ou que l’on s’est recroquevillé. Melissa Haines, spécialiste des animaux sauvages et auteure d’un TEd sur le courage d’avoir le courage” a du “passer de l’autre côté” dans ses nombreuses interactions avec les animaux en Afrique. Elle invite ainsi à se débarrasser de ses fantômes du passé, souvent issus des humiliations infantiles qui sont des mauvais carburant de l’anxiété. Elle exhorte ses auditeurs à franchir le pas, se lancer… “Une poule mouillée meurt de 1000 morts mais un lion ne meurt que d’une mort et au moins il meurt comme un lion”….”Ne laissez pas un fantôme prendre les décision pour vous…Ne renoncez pas à vos rêves avant d’avoir essayé, il n’y a rien de plus terrifiant que de ne pas avoir essayé… “Vos rêves, vos désirs et la passion qui parlent à vos cœurs et chantent à votre âme ne sont pas minuscules. Vous méritez d’affronter vos fantômes…Et vous les vaincrez” conclut-elle. Il n’y pas de fin parfaite. Et c’est toute la beauté de la vie qu’exalte Sylvain Tesson
“L’énergie de l’existence se trouve contenue dans la propre incertitude de son déroulement”
De même qu’il n’y a pas de réponse juste, l’ultime certitude sur l’incertitude est qu’il n’y a pas de fin parfaite.
La « délicieuse ambiguïté »
Il vous reste donc à célébrer la “Délicieuse ambiguïté” de la vie qu’évoque Gilda Radner. C’est le principal cadeau que peut vous faire l’incertitude une vie riche de surprises à défaut d’une vie médiocre :
« Je voulais une fin parfaite. Maintenant, j’ai appris, à la dure, que certains poèmes ne riment pas et que certaines histoires n’ont pas de début, de milieu et de fin clairs. La vie consiste à ne pas savoir, à changer, à saisir le moment et à en tirer le meilleur parti, sans savoir ce qui va se passer ensuite. Délicieuse ambiguïté. «