Chérie, j'ai pulvérisé le contenu - Umanz

Chérie, j’ai pulvérisé le contenu

Chérie, j’ai pulvérisé le contenu

Tout a commencé quand Mark Zuckerberg a décidé de « déprioriser » – on appréciera le choix des mots – la portée des médias classiques dans le fil Facebook…On n’avait encore rien vu. Alors que Zuck avait la possibilité de tuer d’un coup de thermostat algorithmique les contenus premium du Monde, du Figaro, du Financial Times ou de The Economist, un autre service afûtait patiemment son algorithme attentionnel…

A quoi sert le contenu quand on peut piloter l’attention ? Le redoutable algorithme de TikTok est passé à la version supérieure. En n’arbitrant que les pics d’attention, il dégrade le contenu à sa plus simple expression : l’unité d’attention personnelle.

À ce jeu mécanique, les marques médias et mêmes les influenceurs sont forcément perdants. Même ceux qui produisent du contenu “clickbait” au mètre. 

Le seul capable de vous donner votre pic d’adrénaline attentionnelle est l’algorithme TikTok et il aplatit par là la notion même de marque media et de producteur de contenu qu’ils s’agisse de Netflix ou de Youtubers aguerris.

En bref, même si vous pouvez proposer des contenus qui enchantent l’esprit, vous ne pouvez pas produire at scale des Unités d’attention personnalisées. La seule entité capable d’agripper les yeux, c’est l’algorithme TikTok…mais au prix de la dégradation même de notion de contenu. En 2022, le grand gagnant de la part de cerveau disponible n’est plus le bateleur télévisuel ou l’instagrammer. Tout cela c’est fini. Le grand gagnant de l’ère média qui commence à peine, c’est l’algorithme de TikTok.

Les règles du jeu algorithmique ou Warhol ÷1000

 

Ce jeu algorithmique, qui est le nouveau jeu de l’attention et donc de l’audience (et donc des revenus publicitaires) est un jeu à somme nulle auquel les médias classiques ne peuvent répondre car une série de pics d’attentions n’a plus forcément de lien avec un contenu intelligible, une histoire, un article, un dessin animé, un tutoriel de youtubeuse beauté. 

Le contenu et, a fortiori, la marque de contenu ne comptent plus. Le narratif est pulvérisé, l’auteur est pulvérisé, le support devient inexistant. 

Comme l’explique l’analyste media Henry Jenkins, nous sommes entrés dans l’ère « ces unités courtes, à forte charge émotionnelle, qui peuvent être regardées dans l’ordre ou non. »

Si votre article, votre Meme, votre vidéo surgit un jour dans le fil de millions de personnes sur TikTok ce sera par le choix d’un algorithme aveugle et vous pourriez passer une vie à recréer en vain ce centième de seconde de célébrité.

Il n’y a pas si longtemps les Instagramers et les Youtubers étaient déjà en burnout mais ils avaient un maigre espoir, celui de de créer une marque média personnelle…Mais sur TikTok, la marque c’est TikTok point barre, un humain aussi talentueux et inspiré soit-il ne peut générer ad vitam des Unités d’Attention Continues

Le constat hyperlucide de la journaliste Shane Ferro il y a maintenant 10 ans : “I don’t have 5 opinions per day” n’est plus d’actualité. Et ce n’est même pas une question de course vers le bas et la médiocrité. Nous avons dépassé ce stade. Non, le jeu n’existe plus, il n’a plus simplement de raison d’être. 

Attention, la grande attention revient

 

Mais c’est peut être là une bonne nouvelle. C’est peut être parce que ce jeu algorithmique n’est plus jouable par les médias d’audience qu’ils peuvent se réinventer sur d’autres business models et retrouver le chemin du contenu à forte valeur ajoutée qu’ils n’auraient jamais dû quitter.

Le jeu est différent mais reste ouvert. Avec Substack, les Podcasts et le renouveau des marques médias intimes et personnelles, on s’aperçoit enfin que l’authenticité n’est pas soluble dans l’algorithme.

L’ère des médias “low volume/ high attention” ne fait que commencer.