C’est du tout petit
C’est du tout petit, ce que je fais. C’est de l’ordre du minuscule. de l’infinitésimal. À la question : que faites-vous dans la vie, voilà ce que j’aimerais répondre, voilà ce que je n’ose pas répondre : je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d’herbe. Le monde tel qu’il va, mal, je le connais et je le subis comme vous, un peu moins que vous, peut-être : dessous un brin d’herbe, on est protégé de beaucoup de choses. Ces choses, je ne les ignore pas. Mais ce n’est pas d’elles que je veux parler. Ce n’est pas ma place, ce n’est pas la place où le hasard m’a mis. Le désastre, je le vois. Comment ne pas le voir ? Le désastre a déjà eu lieu lorsque je commence à écrire. Je prends des notes sur ce qui a résisté et c’est forcément du tout petit, et c’est incomparablement grand, puisque cela a résisté. puisque l’éclat du jour, un mot d’enfant ou un brin d’herbe ont triomphé du pire. Je parle au nom de ces choses toutes petites, J’essaie de les entendre.
Christian Bobin
Dans notre époque ivre d’illusions
Dans notre époque ivre d’illusion, en proie au présent perpétuel et aux diversions consolatrices, une voie continuait de professer la plus ancienne des leçons.
Elle me disait tout bas, large et vive : regarde, tout est beau, tout est tourment et tout est grâce, tout finit et recommence ; tout recommencera, sans toi.
Nicolas Matthieu, préface à “Que ma joie demeure” de Giono.
Le passé et le jadis
Avec chaque amour on change de passé.
Avec chaque roman qu’on écrit ou qu’on lit on change de passé.
Voilà le passé.
Voilà ce qui détermine le passé par rapport au Jadis.
On change de passé alors qu’on ne change pas de jadis.
Pascal Quignard
Ce que nous voulons et ce que nous faisons
Les vies que nous vivons sont des ponts sur l’immense fleuve des possibilités, suspendus à deux pylônes : ce que nous voulons et ce que nous faisons.
Dans une vie idéale – une vie de sens et d’accomplissement profond – le gouffre de l’être se comble et les pylônes convergent : nous créons ce que nous voulons voir exister.
Maria Popova
Nous vivons ici bas
Nous vivons ici-bas une main serrée sur la gorge.
Que rien ne soit possible était chose connue de ceux qui inventaient des pluies et tissaient des mots avec la torture de l’absence. C’est pourquoi il y avait dans leurs prières un son de mains éprises du brouillard.
Alejandra Pizarnik