Sommes-nous tous des leaders récalcitrants ? Entretien avec Valérie Beyssade - Umanz

Sommes-nous tous des leaders récalcitrants ? Entretien avec Valérie Beyssade

Sommes-nous tous des leaders récalcitrants ? Entretien avec Valérie Beyssade
 
Y aller ou pas ? Accepter tel poste, fonction, environnement, équipe ?
 
Aujourd’hui nous abordons avec Valérie Beyssade, coach de dirigeants, la question délicate et nuancée du Leader Récalcitrant.
 
Nous parlons d’identité, de valeur d’authenticité, de risque et de croissance personnelle.
 
Décryptage :

Umanz – Sommes nous tous des leaders récalcitrants ?

Valérie Beyssade : Non heureusement, nous ne sommes pas tous des leaders récalcitrants mais nous avons tous pu l’être un jour. L’étymologie de récalcitrant vient du vocabulaire équestre et se dit d’un cheval qui résiste, rue, se cabre, marche à reculons. Dans ce sens, et c’est très bien, nous connaissons tous des moments de doute ou de résistance, des moments où l’on ne peut pas tout accepter.
 
Par exemple, prenez ce manager bien dans son rôle, son poste et son équipe, “in the flow”. Tout va bien. Puis l’environnement change, il n’est plus aligné avec la vision stratégique ou la façon de faire des dirigeants, et doit devenir le porte-paroles de ce en quoi il ne croit pas. Cela crée une vraie rupture d’identité ou d’authenticité, une résistance intérieure apparait, qui fait de lui un leader récalcitrant.
 
On en rencontre également des exemples dans les entreprises familiales où certaines personnes acceptent de reprendre une affaire par loyauté et s’inscrivent – à reculons- dans le projet de l’entourage qui devient un projet “sur eux” et non pas “pour eux-mêmes”.
 
Il existe un troisième cas, peut-être le plus intéressant, où la personne ne se sent pas préparée, son boss ou le Comex voient en elle des qualités qu’elle ne voit pas elle-même, où auxquelles elle n’attache pas d’importance. Une offre de prendre un nouveau rôle va lui sembler risquée, et la sortir de sa zone de confort.
 
Quel que soit le scénario, le plus important est que la personne elle-même creuse ce qui se cache réellement derrière sa non-envie. Il lui appartient d’avoir le courage de regarder en face ses doutes, ses peurs et ses inconforts, et d’opérer un diagnostic précis pour comprendre et verbaliser ce qui le ou la fait freiner des quatre fers.
 
Car la résistance est une chose saine, qui mobilise en nous une énergie importante, et nous renseigne sur ce qui ne nous convient pas.  Ignorer ce qu’elle nous indique revient à nous enfermer et nous couper des autres et de nos élans. Ça devient alors difficile d’embarquer les autres, la résistance coûte trop d’énergie et fait forcément barrage. 
 
En ce sens l’état de leader récalcitrant est forcément inconfortable, et donc de préférence
transitoire.
 

Umanz – Comment sortir de la posture de leader récalcitrant ?

Valérie Beyssade : C’est effectivement LA question intéressante !
 
Il y a tout d’abord la décision à prendre, la décision de se remettre en marche, en mouvement pour aller de l’avant. Après le travail de questionnement qui va amener à la prise de conscience, et que j’évoquais dans la question précédente : d’où vient la résistance ? Vient la deuxième question, tout aussi importante : de quoi ai-je besoin ?
 
Lorsque les freins et obstacles sont identifiés, avec l’aide d’un coach, ce qui fera gagner du temps et permettra une prise de recul importante, plusieurs stratégies sont possibles, selon qu’ils sont externes ou internes.
 
Si les freins sont externes, le besoin prioritaire sera de préciser les attentes et d’examiner si les objectifs sont clairs, les délais possibles, la vision en ligne avec les valeurs, les moyens pour réussir disponibles, en négociant ou renégociant pour parvenir à un accord. Puis faire un plan de montée en charge dans la nouvelle fonction, ou un plan d’action pour remédier à ce qui entrave dans la fonction actuelle.
 
Trouver des alliés, un mentor, une personne du comex ou de l’entourage proche, quelqu’un qui connaît l’environnement, avec qui l’on peut échanger des balles et chercher des réponses.
 
Si les freins sont internes, quelques pistes :
 
Tout leader s’appuie sur ses points forts :  esprit analytique, rationnel, créativité, vision, talent de communication…  Lorsqu’on change de rôle il faut savoir partir de ses forces plutôt que développer ses points faibles sur lesquels au mieux on restera moyen.  C’est une question de clairvoyance et de connaissance de soi. C’est ce que j’appelle se déployer dans sa zone de force sans se déraciner.
 
Cela n’empêche pas d’acquérir au fur et à mesure des compétences utiles qui vont avec le rôle, le plus souvent des soft skills à acquérir avec le soutien possible d’un coach. Le rôle du coach est clé pour transformer un leader récalcitrant en leader naturel, par le questionnement, la mise en situation, l’effet miroir, la reformulation, et le soutien exigeant et bienveillant.
 
Regarder ce qu’on va abandonner dans la transition. Examiner également les opportunités de croissance personnelle. En quoi puis-je croître ? Que puis-je gagner dans cette prise de risque ? Quel est le bénéfice humain possible de cette zone de challenge et de défis qui va me permettre d’utiliser 100% de mes compétences et passer au pallier suivant ? C’est ce que j’appelle une prise de risque raisonnable. Il n’y a pas de métamorphose sans friction, inconnu ou peur.
 
Ce travail fait, la route est claire et ce n’est plus le moment tergiverser, mais au contraire de s’engager pleinement dans son nouveau rôle. Que l’on abordera avec un esprit ouvert et le sentiment et la conviction que l’on va apprendre quelque chose. Un état d’esprit de croissance, de défi, qui inclut le droit à l’erreur, et permettra de grandir et de faire grandir les personnes autour de soi.