Ils sont invisibles, insaisissables et pourtant vous pouvez les évaluer, les modéliser, les étudier. Ils nous dépassent et souvent nous survivent.
“Ils” ce sont les hyperobjets. Les objets Meta de l’incertitude “at scale”.
Bien avant la pandémie – hyperobjet par excellence- Timothy Norton, philosophe de l’environnement inventait un terme étrange: celui d’hyperobjet pour désigner des phénomènes de taille planétaire et les défis globaux des sociétés du XXIème siècle.
Le dérèglement climatique est un hyperobjet, la perte de bio-diversité est un hyperobjet, le polystyrène est un hyperobjet, et la dette est un hyperobjet. Le polystyrène est un objet qui survit 500 ans, le plutonium 24500 ans. La dette, qui sait ?
La caractéristique des hyperobjets : on les comprend, mais on ne les maîtrise pas…
Vous pouvez toucher la pluie, vous pouvez être touché par le soleil. Vous ne pouvez pas toucher le climat, c’est un hyperobjet.
Toute la complexité de ces objets tient au fait qu’une fois qu’ils sont reconnus et pensés, nous humains, nous faisons un devoir de les résoudre alors que nous ne les maîtrisons pas.
Et l’étrange propriété des hyperobjets est qu’une fois nommé, le terme devient “visqueux” précise Timothy Norton. Il “colle” à la réalité en quelque sorte. Il est aussi “non local” car l’hyperobjet est à la fois distribué dans le temps et dans l’espace.
Il est également “inter-objectif” c’est -à -dire qu’il est produit par plusieurs entités parfois indépendantes les unes des autres mais son impact est systémique. En termes de physique, ces objets ne peuvent être qu’étudiés en espace de phase à haute dimension. Mais ces objets dynamiques sont par nature inconnaissables car on n’en recueille souvent que les corrélations et les datas.
Parfois, comme dans le cas du photographe Justin Brice Guariglia, ou de l’écrivain de Science Fiction Jeff VanderMeer auteur d’Area X, figure de proue du New Weird, l’art et l’imagination viennent effleurer la notion d’hyperobjet. Dans Star Wars, l’hyperobjet typique est constitué par le vers géant, l’Exogorth…Hans Solo et la Princess Lea ne savent pas qu’ils naviguent dans ses anneaux gastriques.
La notion d’hyperobjet se prête bien évidemment au champ bouillonnant de l’intelligence artificielle, hyperobjet en évolution constante.
En soi, bien sûr, l’hyperobjet ne résout rien. Et la simplicité du mot ne doit pas servir à masquer l’urgence existentielle de l’action. Comme le dit l’analyste climatique Alex Steffen : “nous agissons actuellement à travers les échecs des inactions passées”… Il offre néanmoins un cadre et une direction. C’est un préalable nécessaire à l’action ciblée.
De nouveaux modèles de gouvernance, d’appréhensions et de résolutions doivent donc être inventés à l’échelle. L’ère des hyperobjets présente un défi humain de dimension planétaire.
Un défi invisible, urgent, global, financier, technologique mais surtout…collectif.
A l’heure de la grande fragmentation et de la polarisation, autres hyperobjets d’un monde déboussolé, ce n’est pas la moindre tâche.