Cécile Dejoux, professeur au Cnam et à l’ESCP-BS intervenait cette semaine en direct de l’USI sur le Care Management à l’heure de l’IA.
Elle accepté de répondre aux questions de Umanz :
Umanz- Comment un humain peut-il établir sa valeur par rapport à l’IA ?
Cécile Dejoux : La première étape est de la comprendre et de l’utiliser. Développer une agilité avec l’outil et être à l’aise sur vos domaines d’applications.
Je pense que nous allons rentrer dans un moment cyclique avec l’IA et que dans une seconde phase il faudra des spécialistes et des nouveaux métiers totalement dédiés au travail avec l’IA. Il y aura une haute marche vers ce deuxième niveau.
Il faudra alors acquérir les bons gestes d’audit et bien interpréter les signaux d’alertes. C’est ce que j’appelle le RAG Humain (Retrieval-Augmented Generation) . J’estime aussi qu’on créera de la valeur sur des questions d’imperfection, d’aspérité et de friction ou sur la vision du futur car on ne pourra concurrencer les IA sur des critères de temps, d’automatisation ou d’interprétation du passé.
Parallèlement à ces deux niveaux apparaîtront différentes niches de valeur. Une première niche de valeur aura trait aux nouvelles maladies liées à la vie avec les IA car la cohabitation avec de tels outils pourra être vécue comme insupportable. Il y aura en effet des cohortes de gens qui devront vivre avec les Intelligences Artificielles mais qui ne les accepteront pas intellectuellement.
Une autre niche sera constituée de ceux qui voudront vivre une autre vie correspondant à leurs valeurs. Dans des îlots de frugalité pour certains, de moments non-numériques pour d’autres. Je crois qu’une des futures qualités humaines consistera à évoluer fluidement dans le meilleur des deux mondes, équilibrer les possibles et comprendre les pièges à éviter.
Rester équilibré dans un monde schizophrénique sera une haute niche à valeur humaine.
Umanz- Quelles sont les clés de l’acceptabilité de l’IA en entreprise ?
Cécile Dejoux : Je pense avant tout que l’acceptabilité de l’IA passera par le Care Management, approche que j’ai nommée et formalisée et qui se décline en Self Care et le Team Care.
Il faut ensuite appréhender la mise en place de l’IA comme un dossier très rationnel et l’aborder par étapes.
D’abord, définir une stratégie claire aux contours définis. Quels outils on va utiliser ou pas ? Dans quel cadre ? Pour quels départements ? Quels métiers ? Avec quelle valeur attendue ? Puis définir des règles et des chartes éthiques d’utilisation.
La deuxième étape consiste à mettre en place des systèmes qui communiquent entre eux, ce qui implique d’avoir de bonnes datas et des bons flux. Car si rien ne communique, il n’y pas d’effet de levier
La troisième étape veillera à choisir les bons outils, ouverts ou fermés.
Enfin, la quatrième, s’attachera à distinguer les outils à utilisation interne ou externe. Et, pour chacun, définir les explications et contraintes spécifiques aux métiers. Ce qui implique des formations ciblées et de l’acculturation sur le temps de travail des salariés.
Umanz- Comment être IA compatible dans son job ?
Cécile Dejoux : Il faut savoir prompter, éduquer les systèmes, choisir le bon outil en fonction de son besoin, savoir automatiser, et faire de la curation. J’ai tout un MOOC dédié à ce sujet et je ne recommande pas les formations des Gafams visant à vous enfermer sur un seul outil
Dans une seconde phase, il faudra veiller à se mettre à jour sur les compétences experts (créer une équipes d’IA et des Agents Personnels Intelligents.)
Mais, et j’insiste sur ce point, il n’y aura pas d’acceptabilité de l’IA ni de compatibilité sans le Care Management.