Umanz Interview. Nicolas Bouzou : "La grandeur de l’homme consiste non pas à s’enraciner mais à se déraciner" - Umanz

Umanz Interview. Nicolas Bouzou : « La grandeur de l’homme consiste non pas à s’enraciner mais à se déraciner »

Nicolas Bouzou – Credits Jacques Witt / Sipa

Economiste et essayiste, Nicolas Bouzou, fondateur d’Asteres  vient de publier aux côtés de Luc Ferry “Sagesse et folie du monde qui vient” chez XO Editions.

Il a accepté de répondre aux questions de la Umanz Interview :

Umanz- Présentez vous sans utiliser de titre ?

Nicolas Bouzou : Je suis quelqu’un qui écrit, qui s’exprime et qui essaye de faire passer à ses contemporains l’idée que le progrès partagé est encore possible.

Umanz- Que vouliez vous faire quand vous étiez petit ?

Nicolas Bouzou : Pilote de ligne.

Umanz- Qu’est-ce que vos parents vous ont appris ?

Nicolas Bouzou : L’importance du travail et de la culture.

Umanz- Quel est votre meilleur moment professionnel ?

Nicolas Bouzou : J’ai plusieurs “meilleurs” moments professionnels. Quand l’un de mes livres a du succès bien sûr, mais aussi quand les gens me disent à la fin d’une conférence “je vous fais confiance.”

Umanz- A quoi avez vous renoncé ?

Nicolas Bouzou : J’hésite car je n’ai pas renoncé à beaucoup de choses mais je pense avoir renoncé à faire de la politique.

Umanz- Que feriez vous si vous deviez changer de métier ?

Nicolas Bouzou : Chanteur.

Umanz- Quelle leçon de vie aimeriez vous transmettre à vos enfants ?

Nicolas Bouzou : Qu’ils apprennent à être libre ! Que le travail est instrument de la liberté et que la recherche de la liberté est difficile mais que c’est ce qu’il y a de plus intéressant.

J’estime que la philosophie de la liberté est plus exigeante que la philosophie de la recherche du bonheur.

Umanz- Une lecture qui vous a bouleversé ?

Nicolas Bouzou : La fête au Bouc de Mario Vargas Llosa qui se passe à Saint Domingue en République Dominicaine et qui décrit ce que cela signifie, vu de l’intérieur, de vivre dans une dictature de petit pays.

Umanz- Qu’est ce que vous ne savez pas ?

Nicolas Bouzou : Énormément de choses. Car plus on avance, plus on se rend compte de notre méconnaissance et c’est pour cela qu’il faut développer notre capacité à apprendre. J’adore la littérature mais j’estime que j’en ai une connaissance minimaliste.

Umanz- Qu’avez vous appris cette année ?

Nicolas Bouzou : La géographie et la population Chilienne que je ne connaissais pas. ses glaciers, ses fjords, l’accueil chaleureux des gens et l’impressionnant apaisement du débat public après les années de dictature.

Umanz- Qu’est-ce qui vous inquiète ?

Nicolas Bouzou : La montée des fake news et des populismes. Si le débat intellectuel et politique ne repose plus sur des vérités, c’est notre modèle démocratique et social qui risque de mourir.

Umanz- Qu’est-ce qui vous rend optimiste ?

Nicolas Bouzou : La technologie qui nous offre des potentialités dans les domaines de l’énergie, de la santé, et de la culture. Si on l’utilise bien, elle peut mener vers un monde meilleur où l’on polluera beaucoup moins et où le prix de la culture va baisser.

Umanz- Quelle est votre phrase préférée ?

Nicolas Bouzou : Il y a cette phrase de Woody Allen que je trouve d’une profondeur incroyable : “Dieu est mort, Marx est mort et moi même je ne me sens pas très bien”. Elle reflète bien  l’étrange vertige et parfois la colère de de nos citoyens quand ils se retrouvent face à eux-mêmes.

Umanz – La dernière idée qui vous a séduite ?

Nicolas Bouzou : Une idée qui me plait beaucoup c’est l’exploration lunaire qui revient à la mode avec ses opportunités en matière d’exploitation du Gaz non polluant Helium 3, ses possibilités d’expériences sur le corps humain sans gravité, d’économie circulaire et de bases spatiales Low Cost.

Contrairement à pas mal de gens, je crois que la grandeur de l’homme consiste non pas à s’enraciner mais à se déraciner.

Umanz- Comment faire pour ré-enchanter l’idée de progrès ?

Les grands idéaux sont morts, comme la nation avec un grand N ou le progrès avec un grand P. Nietzsche et le déconstructionnisme ont tué les idoles et le XXème siècle a tué l’idée de progrès comme étant automatique.

Il faut désormais parler “des progrès” dans leur capacités à réenchanter la vie des gens en matière de culture, de santé, d’éducation, d’égalité homme-femme, de transition climatique.

Je parle ici de progrès innovants qui font sens, des progrès qui permettent à l’homme d’accroître leurs libertés en augmentant leurs capacités à faire de nouvelles choses – leurs “capabilities” au sens du Prix Nobel Amartya Sen.

Au final, le sens de la politique est de donner la capacité de construire une vie.

Biographie de Nicolas Bouzou :

Essayiste et économiste français, Nicolas a fondé et dirige le cabinet d’analyse économique Asterès et est le co-fondateur du Cercle de Belém. Nicolas exerce par ailleurs le rôle de conseiller en économie auprès de politiques (il était membre du Conseil d’Analyse de la société auprès du Premier ministre (2010-2011) et du groupe Keyser Söze dirigé par Jacques Attali). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et publie régulièrement dans la presse française et étrangère.