Depuis 2006, Karine Massonnie Ethnologue et Eco-psychologue parcourt le globe à la rencontre des peuples premiers et distille auprès des grandes entreprises et des grandes marques à travers terres indigènes le savoir immémorial, les leçons de vie et de management de tribus encore en osmose avec leur environnement et ouvertes au sublime.
A travers ces rencontres et cette transmission, elle aide les cadres à sortir du cadre.
Karine Massonnie a accepté de répondre aux questions de Umanz :
Umanz- Quels enseignements peuvent nous apporter les peuples premiers ?
Karine Massonnie : Les peuples Premiers, qui vivent en interdépendance directe avec leurs milieux naturels, sont des sociétés millénaires qui savent, mieux que quiconque, vivre en harmonie avec leur environnement. Ils ont développé des modèles d’organisation et de fonctionnement sociétal qui ont fait leur preuve avec le temps…
Ces peuples-racines, fortement agiles et résilients aux changements, ont des enseignements à nous transmettre.
Par exemple, ils ont une vision holistique du Monde, qu’ils perçoivent comme un grand Tout, interdépendant, ou tout est lié. La finalité de ce Monde est un Monde où règne Ordre, Harmonie, Beauté.
Ces sociétés-racines leur pérennité d’un lien fort avec le vivant, le milieu naturel dont ils dépendent pour leur survie.
Leur mode de vie communautaire implique une nécessité de relations interpersonnelles solidaires et harmonieuses, pour développer une société en permanente recherche d’équilibre.
Umanz- En quoi ces enseignements sont-ils adaptés à nos entreprises modernes ?
Karine Massonnie : L’entreprise peut être assimilée à une grande tribu, constituée de plusieurs petites tribus à savoir les équipes. Certaines tribus sont plus agiles, plus efficaces, plus joyeuses, plus pérennes que d’autres.
L’environnement naturel dans lequel évoluent ces peuples, est un milieu complexe, incertain et évolutif , dans lequel savoir évoluer collectivement avec Agilité et efficience est une nécessité pour survivre. Par analogie, le milieu naturel est celui de l’entreprise.
Aussi, pour y progresser de façon écologique et durable, ses membres doivent atteindre cet état d’équilibre à 3 niveaux : avec son environnement, avec l’autre et avec soi-même.
Pour cela, ils ont une vision commune, évoluent dans un cadre, s’appuient sur un système de valeurs, co-construisent des projets, recherchent l’efficience collective, gèrent durablement des ressources, construisent leur identité, leur mémoire collective, transmettent celle-ci pour survivre …. Comme dans une entreprise.
Dans le milieu naturel, agir ensemble dans une qualité des relations sociales est une nécessité vitale et LA condition de survie du groupe. En cela, leurs mode de vie, leur philosophie et leurs modèles peuvent être inspirants et modélisants pour l’entreprise
Umanz- Quelles sont les leçons de leadership que nous transmettent “ces peuples racines” ?
Karine Massonnie : Il y en a beaucoup… Par exemples, un enseignement fondamental est de développer une vision systémique du Monde, condition sine qua non pour agir et penser « juste ».
Un système de valeurs communautaires incarnées au quotidien, qui vise le « Je » au service du « Nous »
Un pouvoir partagé et tournant, basé sur le leadership partagé et la coopération
Un autre rapport au temps, plus « naturel », celui de la Nature (humaine aussi ! ) qui permet la création de valeur en valorisant et bonifiant le potentiel humain. Ils posent le rapport au temps dans les entreprises, qui exigent des résultats rapides au détriment du potentiel humain. La réflexion n’a pas le temps d’être au meilleur de ce qu’elle pourrait être, en termes de créativité et d’innovation…
Umanz- Que faut-il changer aujourd’hui dans nos entreprises ?
Karine Massonnie : Il existe divers leviers de changements positifs, qui correspondent à des freins qui empêchent les managers et dirigeants d’atteindre ce triple équilibre, condition de la pérennité de l’entreprise.
Par exemples, augmenter la zone d’autonomie du manager. Celle-ci s’est restreinte. Alors qu’on lui demande d’être de plus en plus conforme à des modèles, il lui est difficile dans le même temps d’être force de proposition.
Redonner du sens au travail, à la mission : Le manager, qui a parfois perdu le sens initial de sa mission, ne se trouve pas toujours non plus à sa juste place. Celle qui lui permet d’exprimer tout son potentiel. Cela conduit à du stress, à une perte de confiance, de la solitude, une peur accrue de prendre des initiatives et, bien souvent, moins de joie au travail.
Envisager la compétition en mode collaboration et co-opération : chez ces peuples Indigènes, il n’y a pas de pouvoir « contre » l’Autre, il y a du pouvoir, au sens « puissance », en interaction « avec » l’autre, quel qu’il soit.
Umanz- Quels sont les objectifs de votre nouveau projet Asia Tenggara 2020 ?
Karine Massonnie : « Mission Asia Tenggara », est une exploration sociétale et environnementale, en immersion chez des peuples Autochtones d’Asie du Sud-Est, qui se déroulera sur une durée de 11 mois en 2020, nous lançons actuellement une campagne Ulule pour boucler son financement.
Notre conviction est que les peuples Autochtones, sociétés-racines millénaires, sont porteurs de solutions pour un Avenir durable.
Notre objectif est d’aller partager leur quotidien pour explorer leur vécu, recueillir leurs enseignements et leurs savoirs « inspirants » pour améliorer nos pratiques et trouver des solutions opérationnelles nouvelles pour vivre et entreprendre dans une démarche plus respectueuse de l’Humain et la Nature.
Nous transmettrons cette exploration à grande échelle, pour la Planète, pour les générations futures, pour l’Humanité.
A propos de Terres Indigènes ?
Après une enfance au Canada et dans les grands espaces, proche des Amérindiens, j’ai voulu découvrir des peuples du monde vivant au contact de la nature. Après mes études de psychosociologie et d’éco-psychologie, je suis partie à la rencontre des Amérindiens du Canada, puis des Sames en Laponie, les Aborigènes d’Australie, les Aymaras de Bolivie ou les Bédiks au Sénégal…. Depuis bientôt 30 ans, je parcours la planète en solitaire à la rencontre d’une variété de peuples, vivant dans une variété de milieux. J’aime explorer la relation entre l’Humain et l’environnement dans des milieux naturels très différents.
Forte de mon expérience en immersion chez ces différents peuples Premiers, j’ai créé l’entreprise Terres Indigènes dans ce but : Explorer « nos racines », celles des peuples Premiers, et Transmettre sous différentes formes.
Pour en savoir plus : www.terresindigenes.org