Xavier Alberti est un entrepreneur engagé. Aujourd’hui à la tête du groupe Les Collectionneurs, il est aussi le fondateur de La Transition avec Claude Posternak et l’un des co-fondateurs de Jamais Sans Elles avec Tatiana F. Salomon, Natacha Quester-Séméon et Laurence Parisot. Il est aussi, l’auteur d’un blog aux posts inspirés et nuancés.
Il a accepté de répondre aux questions de la Umanz Interview
Umanz- Présentez-vous sans utiliser de titre ?
Xavier Alberti : Fils, frère, mari, père et patron.
Umanz- Que vouliez-vous faire quand vous étiez petit ?
Xavier Alberti : Je voulais être Cyrano de Bergerac. J’ai beaucoup d’affection pour les héros tristes comme Achille, Cyrano et Marius.
Umanz- Qu’est-ce que vos parents vous ont appris ?
Xavier Alberti : Tellement et surtout l’essentiel. En premier lieu, la dignité. Et cette sagesse : “Ne jamais demander plus que ce que l’on peut rembourser”.
Umanz- Quel a été votre meilleur moment professionnel ?
Xavier Alberti : Les grands moments professionnels sont des moments de stress intense. Mais pendant le confinement un moment m’a particulièrement ému. Avec notre Directrice Générale Carole Pourchet, nous avions annoncé notre décision de compenser l’écart de salaire en cas de chômage partiel. Les salariés du groupe nous ont alors remerciés avec une vidéo sur la musique de Merci Patron. Pour moi, cela a constitué un joli moment, émotionnellement fort, vrai et sincère.
Umanz- A quoi avez-vous renoncé ?
Xavier Alberti : A ce que j’ai longtemps cru que je ferai, c’est à dire de la politique. J’y ai renoncé consciemment. Mais j’ai très longtemps cru qu’on ne changeait le monde que par l’action politique et politicienne, dans la machine politique. Je crois désormais qu’on peut le faire de l’extérieur.
Umanz- Que feriez-vous si vous deviez changer de métier ?
Xavier Alberti : Écrivain
Umanz- Quelle leçon de vie aimeriez-vous transmettre à vos enfants ?
Xavier Alberti : De ne pas se mentir. De ne pas se trahir. D’être toujours aligné en soi.
Umanz- Une lecture qui vous a bouleversé ?
Xavier Alberti : : Tout Hugo. Particulièrement Quatre-vingt-treize et La fin de Satan.
Umanz- Qu’est-ce que vous ne savez pas ?
Xavier Alberti : Je trouve admirable de dire je ne sais pas, j’ai écrit un billet sur le sujet. Par exemple, je ne sais même pas le temps qui fera demain. Cette incertitude profonde permet de mesurer tout le reste…
Umanz- Qu’avez-vous appris cette année ?
Xavier Alberti : Que le pire n’est jamais décevant et que du pire on peut tirer le meilleur. Nous vivons à la fois une catastrophe, plus brutale qu’une crise et un moment extraordinaire parce ce qu’on a été capables de déployer des trésors de solidarité, au moins pendant un temps. C’est un moment également passionnant parce qu’il nous oblige à repenser notre modèle comme seules les guerres nous y avaient obligé jusque-là. Tout en restant un phénomène économiquement et socialement catastrophique, hautement marqué par l’incertitude.
Dans mon entreprise, pendant cette catastrophe notre mot d’ordre est resté le même: soyons humbles, soyons utiles, soyons solidaires.
Umanz- Qu’est-ce qui vous inquiète ?
Xavier Alberti : La dislocation sociale.
Umanz- Qu’est-ce qui vous rend optimiste ?
Xavier Alberti : L’intelligence collective. La solidarité. Cynthia Fleury explique que l’humanisme et la solidarité sont des constructions culturelles qui sont fondées sur l’intelligence.
Umanz- Quelle est votre phrase préférée ?
Xavier Alberti : “La parole vaut l’homme sinon l’homme ne vaut rien”
Umanz- Comment trouvez-vous le sens au quotidien ?
Xavier Alberti : Le sens est en nous. L’alignement doit être trouvé en nous-mêmes. Trouver le sens c’est faire vibrer ce qu’il y a en nous. Écouter ce qu’il y a à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. Ne pas avoir peur de s’ouvrir par pudeur. Seule la parole libère.
Umanz : Quels combats font aujourd’hui sens ?
Xavier Alberti : La réconciliation est le sujet majeur de notre époque et elle doit se bâtir sur de nouveaux équilibres. C’est le sens de cette formule simple et fondatrice de mon ami Claude Posternak, qui est celle du « nouveau partage ». Il est temps de mieux partager: la richesse, l’espace, le savoir, le temps et les services.
Umanz- Quels sont les prochains challenges de Jamais sans elles ?
Xavier Alberti : Jamais Sans Elles travaille en ce moment à développer les chartes et l’idée de la gouvernance partagée dans le privé comme dans le public, dans les grands groupes comme dans les ministères, suivant les exemples des entreprises pionnières qui nous ont rejoint comme Microsoft, Dentsu ou BNP Paribas. Étendre les pratiques à ceux qui veulent rejoindre le mouvement, en bref, continuer à accompagner cette idée qui est plus puissante que nous. On essaye juste d’aller aussi vite qu’elle.
Umanz- Comment peut-on faire société aujourd’hui ?
Xavier Alberti : Il faut de nouveau partager les valeurs. Retrouver les rites sociaux qui nous permettent de vivre ensemble. Sans ces valeurs centrales de cohésion il n’y a plus de société possible. On a perdu le citoyen derrière l’individu, il faut le retrouver. Nous pouvons aussi retrouver la vertu du local, du groupe, de l’association, du village, des quartiers, des immeubles. On peut agir utilement à tous les niveaux.
Pour que nous puissions nous réconcilier enfin, il faut que l’État soit irréprochable sur ses fonctions régaliennes de sûreté et de sécurité et il faut également se souvenir, comme le rappelle parfois Alexandre Jardin: “qu’à une heure de Paris, il y a un pays qui s’appelle la France…”
Le Général de Gaulle le rappelait en 1950 dans son discours de Bagatelle, l’harmonie sociale est le fondement de la société. Or, le seul sujet majeur aujourd’hui c’est celui-là. Il pose la question de la juste rémunération du travail, du capital, de l’investissement, en prenant garde de ne jamais oublier le quatrième volet : la rémunération des solidarités.