Swipe left, rien de nouveau : le paradoxe de la création - Umanz

Swipe left, rien de nouveau : le paradoxe de la création

Il y a un an Matt Klein, l’un des futuristes les plus prescients avait donné un bel écho, aux Etats-Unis, à notre essai co-écrit avec Marie Dollé sur l’Hyperphysicalité.

Il a récemment posté un essai ébouriffant sur la stase culturelle, les effets pervers de l’économie du hit, et l’état réel de la Creator Economy sans oublier l’étrange et paradoxal triomphe de la Short Tail (l’opposé de la Longue traîne) qu’il nous a autorisé à publier en Français sur Umanz.

Plongée dans la shortailisation de tout :

Le paradoxe de la création : une stagnation culturelle dans un surplus de créativité

Partie I : La tension

Il y a un nouveau dilemme.

A cette différence près : ce n’est pas un nouveau dilemme.

Au début de l’été, des décennies de changements culturels aussi lents que les évolutions glacières sont soudainement devenues visibles l’espace d’un week-end. Le sommet des charts a révélé le vrai danger de notre écosystème média.

Vous connaissez la chanson. Grâce à sa présence dans la cinquième saison de Stranger Things de Netflix, la chanson de 1985 de Kate Bush « Running Up That Hill (Make a Deal with God) » est revenue dans l’air du temps. Elle est passée de 22 000 streams par jour à 5,1 millions. En l’espace d’un instant, un titre vieux de 37 ans a été la chanson la plus écoutée sur Spotify.

Pendant ce temps, Top Gun : Maverick, la suite de l’original de 1986, a battu des records au box-office en récoltant 156 millions de dollars sur un même week-end. C’était juste avant l’arrivée de Jurassic World, le septième opus depuis 1993. Puis est arrivé Minions 2, une suite et un spin-off de la franchise Moi, moche et méchant, qui comptait déjà trois volets.

Et ce n’est pas tout, dans les jeux vidéo, ce même week-end, 9 des 10 titres les plus vendus étaient issus de franchises. Et dans la liste des meilleures ventes du New York Times, on retrouvait James Paterson, détenteur du record Guinness mondial du plus grand nombre de best-sellers du New York Times. Il occupait deux des cinq premières places dans la catégorie fiction.

C’était sensé être le week-end des grandes premières. Mais en fait, rien dans ces sorties n’était particulièrement nouveau.

Mais le plus remarquable, c’est que cette série de reboots de méga-succès avait pour toile de fond une toute autre histoire…

Ces titres voyaient le jour à une époque où, jamais dans l’histoire, les individus n’avaient créé autant de contenus.

Spotify se targue de mettre en ligne 70 000 titres par jour. YouTube met en ligne 30 000 heures de nouveaux contenus chaque heure. Il existe près de 3 millions de podcasts uniques. Twitch héberge plus de 7,5 millions de streamers, le nombre de jeux indépendants augmente d’année en année et environ 4 millions de livres sont publiés chaque année aux États-Unis, dont près de la moitié sont auto édités, soit une augmentation de 250 % en seulement cinq ans.

D’un côté, nous avons une Creator Economy en plein essor, avec une démocratisation toujours plus grande des outils de production pour quiconque produit une idée. À tel point que, d’après une enquête menée par Zine auprès de 1 000 Américains, 86 % des personnes interrogées pensent qu’il y a une quantité écrasante de divertissement disponible aujourd’hui.

Pourtant, vu sous un autre angle, nous semblons vivre un moment de retard culturel. Notre box-office et nos plateformes de streaming sont saturées par les mêmes franchises constamment régurgitées. Les reboots règnent en maîtres et les visages familiers accaparent nos top10, parallèlement les artistes émergents, ceux qui redéfinissent les genres, sont rares. Dans ce contexte, 64 % des gens déclarent en avoir assez des reboots, suites et remakes d’aujourd’hui.

Que se passe-t-il ?

Comment se fait-il qu’à un moment de libération radicale des créateurs et de frustration du public, nous nous retrouvions avec les mêmes clichés et les mêmes accroches ?

En 2006, la vision optimiste de Chris Anderson, celle de la longue traîne nous promettait que le « spécifique » – le superficiel et l’obscur – seraient économiquement rentables, car l’internet relierait les niches à leurs publics. Les agrégateurs allaient gagner, l’insolite allait prospérer et les marginaux seraient de la fête. Les créateurs pourraient enfin se connecter à leurs 1 000 vrais fans.

Mais d’un point de vue macroéconomique, cet écosystème médiatique diversifié et ascendant est tout sauf florissant.

Au contraire même, c’est l’inverse qui se produit.

L’homogénéité gagne.

Partie II : La similitude partout

D’après une analyse d’Adam Mastroianni, chercheur postdoctoral à la Columbia Business School, le « même » continue de se hisser au sommet – dans tous les médias.

Simplement, il y a moins de gagnants.

Mastroianni appelle cela notre oligopole culturel. « Un cartel de superstars a conquis la culture », écrit-il.

« Jusqu’en 2000, environ 25 % des films les plus rentables étaient des préquels, des suites, des spin-offs, des remakes, des reboots ou des extensions d’univers cinématographiques. Depuis 2010, ce chiffre dépasse les 50 % chaque année. Ces dernières années, il a été proche de 100%. »

« Depuis l’an 2000, environ un tiers des 30 émissions les plus regardées sont soit des spin-offs d’autres émissions du top 30 (par exemple, CSI et CSI : Miami), soit des diffusions multiples de la même émission (par exemple, American Idol le lundi et American Idol le mercredi). »

« Dans les années 1950, un peu plus de la moitié du Top 10 y avait déjà figuré. De nos jours, le chiffre est plus proche de 75%. »

« À la fin des années 1990, moins de 75% des jeux vidéo les plus vendus étaient des volets d’une franchise. Depuis 2005, ce chiffre est supérieur à 75 % chaque année, et parfois il atteint 100 %. »

L’ingénieur logiciel Azhad Syed a identifié ce même « oligopole culturel » dans son analyse de l’industrie musicale.

« Le nombre d’artistes différents qui accèdent au Top 100 diminue au fil du temps. Et alors qu’il y a de moins en moins d’artistes dans les charts, chacun de ces artistes enregistre 1,5 à 2 fois plus de chansons par an. »

Pendant ce temps, les “vieux titres” – définis comme étant sortis depuis plus de 18 mois – représentent désormais 72 % du marché aux États-Unis. Et bien que 18 mois soient, il est vrai, une définition imparfaite de « vieux », au sens large, la consommation de titres anciens augmente, tandis que la demande de musique nouvelle diminue également.

Caractérisant cet état de fait pour The Atlantic, le critique et historien de la musique Ted Gioia écrit :

« Jamais auparavant dans l’histoire, de nouveaux morceaux n’ont atteint le statut de hit tout en générant un impact culturel aussi faible. »

Les anciens gagnent sur le plan financier, mais aussi sur le plan créatif. Le magazine Rolling Stone prédit la montée en puissance continue des « interpolations » – ce cousin du sampling dans lequel la structure des chansons est empruntée et rendue « nouvelle« .

« Ne vous attendez pas à ce que les interpolations ralentissent de sitôt – c’est plutôt le contraire qui est probable. Les sociétés d’édition sont assises sur des montagnes de chansons instantanément reconnaissables […] Maintenant que l’activité se concentre sur les singles en streaming, elles ont une chance de les valoriser à nouveau. »

Conséquence naturelle, les investissements en capital-investissement les plus prometteurs ces derniers temps ont été les catalogues de droits d’artistes reconnus. De fait, selon le vice-président des affaires commerciales et juridiques de Sony Music Publishing, Dag Sandsmark :

« Le plus grand éditeur de musique au monde a reçu deux fois plus de demandes d’échantillons et d’interpolations sur son catalogue deux années de suite. »

Ce qui se traduit de la manière suivante : aujourd’hui, du cinéma et de la télévision, aux livres, aux jeux vidéo en passant par la musique, il y a statistiquement moins de productions non mainstreams qui arrivent au top. S’il est évident que tout dans la culture est un remix, l’intensité de la dépendance actuelle à l’égard de ce qui a été fait avant mérite d’attirer notre attention.

Quelle est la cause de ce dysfonctionnement systémique ?

Partie III : Les causes de l’effondrement créatif

  1. Des écosystèmes en conflit

De toute évidence, nous sommes face à deux environnements médias très distincts et apparemment concurrents.

Côté créateurs, il y a un accès croissant et démocratisé aux outils, qui permet de créer et de syndiquer des quantités massives de contenu sans efforts. Dans la Creator Economy, tout le monde peut être un acteur et “réussir”.

D’autre part, il y a le pouvoir, en amont, des acteurs institutionnels, des filtres et de la recommandation, détenus par des sociétés motivées par des rendements financiers démesurés. Ces grandes institutions, peu enclines à prendre des risques – on peut penser qu’elles ne sont plus dirigées que par des avocats et des comptables – jouent la carte de la sécurité pour « protéger la valeur générée pour les actionnaires ».

Ces modèles divergents sont actuellement inconciliables. C’est cette dynamique fondamentale qui est au centre de notre paradoxe.

Lorsqu’il existe aujourd’hui deux ensembles d’environnements radicalement différents , de récompenses et de genres de « créateurs » – le petit créateur d’un côté et l’institution établie de l’autre – il est difficile de s’attendre à ce que l’ artiste inconnu fasse l’objet d’un pari chez les gardiens du temple.

  1. C’est (surtout) du Toc

Vient, ensuite,  la question de la qualité. 

Si la longue traîne paraît vaste au premier regard, elle est aussi constituée de beaucoup de… bruit. Les amateurs sont des amateurs, quel que soit leur nombre.

Si le travail des nouveaux créateurs ne s’améliore pas, c’est tout simplement parce que la majorité d’entre eux ne sont même pas dignes d’intérêt (ou parce qu’il y a simplement trop de choses à digérer).

Un autre aspect de la question est un manque de financement susceptible d’entretenir la flamme chez les créateurs émergents. Pour un jeune artiste talentueux aujourd’hui, où sont les subventions ou les possibilités de soutien en dehors du crowdsourcing peer-to-peer ?

Faute de temps infini, et face à un contenu infini, nous avons besoin de gardiens du temple. De plus, nous avons besoin de financement pour ceux qui ne produisent pas…de déchets .

3. La consolidation institutionnelle

Par sa nature même, la longue traîne de contenu est segmentée en morceaux de plus en plus éparpillés et destinés à des publics de plus en plus exigeants. Mais au fur et à mesure que la longue traîne s’allonge et que de plus en plus de personnes créent, la courbe en cloche classique se cristallise : l’obscur devient plus obscur, tandis que le plus grand dénominateur commun devient plus… basique.

Il suffit de regarder les récents pivots de Netflix, qui montrent clairement qu’il n’est plus intéressés par des paris artistiques multiples et risqués, mais plutôt par une trinité de type « plus gros, mieux, moins ».

Ironiquement, ce n’est pas différent de ce qui est en train d’arriver. Ainsi, Netflix était autrefois considéré comme un exemple prometteur des opportunités de la longue traîne. En revanche, au cours de la dernière décennie, Netflix a réduit son catalogue de titres. En 2010, Netflix comptait 6,700 films. Aujourd’hui, une décennie plus tard, ce nombre a diminué de 45 %.

La plupart des œuvres produites en masse aujourd’hui visent à satisfaire la moyenne. En conséquence, nous nous retrouvons avec du moyen. Le milieu c’est le cinéma standard : la plus grande opportunité financière.

Que l’on accepte ou non la critique de Martin Scorsese à l’égard de Marvel, son point de vue sur l’état du cinéma – cette fameuse « consolidation » – est sans appel :

« L’art du cinéma est systématiquement dévalorisé, mis sur la touche, rabaissé et réduit à son plus petit dénominateur commun, le « contenu ».

Cela rejoint l’une des hypothèses de Mastroianni concernant l’oligopole culturel actuel : un réflexe systémique de concentration. Les grands ont l’habitude de manger les petits. Les studios de cinéma, les labels de musique, les chaînes de télévision et les éditeurs de livres et de jeux vidéo se sont tous consolidés. Et cette concentration se produit simultanément dans les religions, les partis politiques, les langues, les sites web les plus visités, les journaux, les villes et, surtout, les richesses et les entreprises.

Les gagnants qui survivent aujourd’hui sont si gros qu’ils doivent satisfaire le plus grand dénominateur commun possible pour survivre.

4. Nostalgie médicinale

Un plus grand choix n’est pas toujours une bonne chose.

Dans The Paradox of Choice, le Dr Barry Swartz écrit ,

« Le fait qu’un certain choix soit bon ne signifie pas nécessairement qu’un plus grand choix soit meilleur. »

Devant une avalanche d’opportunités, particulièrement en matière de divertissement – quelque chose sensé apporter de la joie – nous nous en tenons à ce que nous connaissons. Après tout, ce que nous connaissons déjà nous fait du bien.

Dans son livre, Hit Makers, Derek Thompson explique cette tendance,

« La plupart des consommateurs sont à la fois néophiles – curieux de découvrir de nouvelles choses – et profondément néophobes – effrayés par tout ce qui est trop nouveau. Les meilleurs créateurs de hits sont doués pour créer des moments de sens en mariant le nouveau et l’ancien, l’anxiété et la compréhension.

Ils sont les architectes de surprises familières ».

Pour les créatures de confort que nous sommes, l’inconnu est effrayant. Nous optons pour le familier. Et cette sélection résout deux choses pour nous : la paralysie due à l’analyse des choix, et les troubles émotionnels. Nous sommes soulagés.

Une nostalgie collective du passé pourrait expliquer l’accélération récente de ce paradoxe. La pandémie a déclenché une réappréciation massive de l’ancien – sûr et non menaçant. Nous avons également eu tout le temps d’explorer les catalogues classiques pendant la pause de création.

Comme le souligne Dylan Viner, associé directeur de TRIPTK, une société d’analyse culturelle et de conseil en marques,

« Détestant le présent et craignant l’avenir, nous nous languissons du passé ».

Et cela se vérifie quand bien même le passé n’est pas le nôtre. Selon les recherches menées par Spotify, 68 % des membres de la génération Z apprécient les titres des décennies précédentes parce qu’ils leur rappellent des temps plus simples.

L’histoire offre une comparaison rassurante avec l’incertitude de ce que demain peut apporter. Et si c’est déjà sorti ? Au moins, nous connaissons les paroles.

5. L’influence de l’âge

Les utilisateurs des plates-formes médiatiques actuelles vieillissent, tout comme l’âge des contenus consommés.

Selon une étude de marché réalisée par Ampere Analysis, la base d’abonnement de Netflix est déjà saturée par les 18-34 ans et les 35-44 ans – 80 % et 70 % de chaque classe d’âge sont abonnés. La croissance dans ces tranches d’âge stagne. Désormais, les Américains de plus de 50 ans sont le moteur de la croissance du géant du divertissement, qui doit inévitablement continuer à attirer et à satisfaire ces consommateurs plus âgés.

L’augmentation du nombre d’utilisateurs d’âge mûr sur les plates-formes de contenu d’aujourd’hui recalibre ce qui est diffusé et produit, diminuant l’attention accordée à ce qui est jeune, émergent ou rebelle.

6. La persuasion des plateformes

Nous, le public, avons moins de contrôle sur ce paradoxe que nous le pensons. Chris Dancy, auteur et conférencier de la Tech remarque,

« La technologie est passée de Big Brother à Big Mother… Notre quête pour créer l’expérience optimale sans friction laisse les gens dépourvus d’autonomie et regrettant la sensation de la vie à la première personne. »

Face aux listes de lecture personnalisées par l’IA, aux recommandations de type « Nous pensons que vous pourriez aimer » et aux coups de pouce des « Juste pour vous », ce sont les plateformes autrefois agnostiques qui déterminent ce qui est désormais diffusé en continu… et populaire.

On pensait que les algorithmes allaient nous détacher de la masse et offrir des possibilités de personnalisation, bien au contraire, ce qui est diffusé aujourd’hui émane toujours du pouvoir des mêmes gardiens du temple auxquels nous pensions échapper.

Le cabinet de conseil Music Tomorrow a étudié l’impact des Playlists sur les artistes émergents et a constaté que :

« Au cours des quatre dernières années, les grands labels ont représenté près de 70 % de la musique figurant dans la playlist ‘New Music Friday’ sur Spotify, 86% de la liste ‘Rap Caviar’ et 87 % de ‘Pop Rising’. 

Même si faire et publier de la musique est devenu plus facile que jamais, le soutien d’un grand label – et sa puissance marketing – comptent parmi les principaux facteurs déterminants (quand ils ne constituent pas des conditions préalables) pour avoir accès à certaines des places les plus précieuses sur les plateformes de streaming. »

Pour expliquer davantage notre désillusion face à la personnalisation algorithmique sensée nous libérer du mainstream, Rob Horning du magazine Real Life écrit ,

« Les services de streaming s’efforcent de façonner la propension des clients à consommer, loin de leurs goûts spécifiques, en les rendant plus passifs dans leur consommation, plus disposés à suivre les tendances et ce qui est affiché sur les pages d’accueil. Ce n’est pas un hasard si la recherche de quelque chose à consommer sur ces sites est souvent une corvée ardue et infructueuse, induisant une impuissance acquise et une prédilection préventive à s’abandonner au flux. »

Les dispositifs de type « Sélectionné pour vous“ ne cherchent pas tant à repousser les limites de nos goûts artistiques, mais constituent un moyen de nous servir ce que la plateforme projette – désirant par là combler nos besoins – en nous rassemblant dans des silos plus prévisibles qui peuvent ensuite être ciblés avec des recommandations plus « précises ». Tout ce qui s’éloigne de cette façon de faire constitue un handicap pour le modèle économique.

Ted Gioia commente également cette pratique :

« Les algorithmes sont conçus pour être des boucles de rétroaction, garantissant que les nouvelles chansons promues sont pratiquement identiques à vos vieilles chansons préférées. Tout ce qui sort véritablement du moule est exclu du champ, à tel point que cela constitue une quasi règle. C’est en fait ainsi que le système actuel a été conçu pour fonctionner.”

Les « algorithmes » ne sont pas conçus pour nous libérer radicalement via une découverte supérieure. Ils sont faits pour nous classer dans des catégories plus prévisibles avec des étiquettes prédéterminées. Le « New » est juste l’une des clés de la machine.

7. Créateurs ≠ Consommateurs

Enfin, une hypothèse moins explorée de la raison pour laquelle la Longue Traîne ne perce pas tient peut-être au fait que nous tirons plus de valeur de la fabrication que la consommation.

Avec les outils de création démocratisés, il n’a jamais été aussi facile de produire… mais cela ne signifie pas qu’il y ait en face un public – proportionnellement aussi avide – de consommer.

Beaucoup trouvent ainsi plus de valeur dans la création d’une œuvre que dans sa découverte et sa consommation. Par ailleurs, une grande partie de la « création » d’aujourd’hui s’appuie en fait sur des propriétés intellectuelles déjà existantes.

Kevin Alloca, directeur mondial de la culture et des tendances chez YouTube, m’a expliqué,

« Une grande partie du contenu généré par les utilisateurs aujourd’hui se rattache toujours à une licence – avec ses réactions, ses critiques ou ses remixes. Bien qu’il n’y ait jamais eu autant de créativité et de contenu, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas pour autant lié à de la propriété intellectuelle existante. Il est assez courant aujourd’hui de voir plus de médias “à propos de”, ou liés à l’œuvre originale et à sa consommation, qu’il n’y a d’œuvres originales elles-mêmes. »

Nous sommes dupés par le mirage des nouveaux médias aujourd’hui. En réalité, nous sommes dans une boucle de rétroaction de meta-réactions. C’est ainsi qu’on croise une vidéo de réaction à la bande-annonce d’un film qui est une suite, ou une vidéo de présentation du dernier opus d’une franchise de jeux vidéo. Le résultat : des-vidéos-sur-une-vidéo-sur-une-vidéo. Aujourd’hui, une grande partie des créations ascendantes sont des clins d’œil à des classiques mainstream. Il y a moins d’originalité que nous ne le pensons.

Dans une culture où la création peut être plus satisfaisante que la consommation, nous nous retrouvons avec une surabondance de contenu indésirable et de nouveau contenu qui n’est en fait que le reflet de contenus existants.

Partie IV : On a un problème

Nous avons donc établi l’existence de ce paradoxe de la créativité, ainsi que son étendue, son intensité et ses nombreuses causes. On peut alors hausser les épaules, et se dire que c’est ainsi que les choses se passent. Ainsi soit-il.

Mais nous ne le pouvons pas. Nous ne le pouvons, absolument. Pas.

Nous sommes dans un écosystème médiatique corrosif où les 1% de groupes et d’artistes solos les plus connus accaparent environ 80% de tous les revenus des enregistrements – et selon certaines estimations, la part des artistes établis ne fait qu’augmenter. Si cette tendance se poursuit, nous risquons de saboter à la fois la possibilité et la motivation des nouveaux artistes à participer.

Comme l’écrit Mastroianni,

« Les films, la télévision, la musique, les livres et les jeux vidéo devraient élargir notre conscience, stimuler notre imagination et nous faire découvrir de nouveaux mondes, de nouvelles histoires et de nouveaux sentiments […] Apprendre à aimer les choses inédites est l’une des activités humaines les plus nobles ; cela renforce notre empathie pour les personnes inconnues. »

Si nous cessons d’entretenir « le nouveau », le nouveau mourra. Remplacez « nouveau » par le genre ou le support que vous préférez. C’est l’étranger (à l’origine), le bizarre, le marginal, le contre-culturel et l’antagoniste qui font avancer une société saine. Ou, pour utiliser une autre image : si l’on étouffe les étincelles de « nouveauté » d’aujourd’hui, nous resterons dans le noir.

Nous sommes en train de perdre.

Pour M. Gioia, nous devons donner vie à la longue traîne, car elle « crée une société plus pluraliste, plus diverse et plus polyvalente ».

La vision de la Longue Traîne laissait entendre que le blockbuster serait moins présent…mais c’est exactement le contraire qui s’est produit : la marge est désormais en danger.

Alors, que faire ?

Partie V : Solutions

  1. Distinguer la Nouveauté du Nouveau pour eux

Nous avons besoin de contenu d’aujourd’hui et pour aujourd’hui.

Selon Adrian Hillekamp de A&R Management chez Concord,

« Chaque génération a besoin de sa bande-son et celle-ci ne peut pas provenir d’un ancien catalogue. Elle doit venir de l’époque, du moment, et avoir un feeling particulier. »

Et pourtant, en 1986, le chanteur R&B Ben E. King obtenait sa deuxième place au hit-parade avec « Stand By Me », 21 ans après sa première apparition dans le Top 50. Propulsée par le succès du film du même nom, la réapparition soudaine de King dans les charts était aussi inattendue et remarquable que la renaissance de Kate Bush cet été.

Pour compliquer la ressemblance avec le phénomène qui nous occupe : le film La folle journée de Ferris Bueller, avait comme bande son la version des Beatles du tube « Twist & Shout », même chose avec The Big Chill, hommage nostalgique aux baby-boomers, abondamment visionné par les parents et leurs enfants réunis.

Peut-être que le contenu d’aujourd’hui est en fait un contenu déjà existant que certains ne découvrent qu’aujourd’hui.

Mais ce qui rend un titre actuel ne constitue pas une garantie d’innovation ou d’inspiration. Le pic actuel d’interpolation n’est pas nouveau. En fait, il pourrait même être cyclique. Mais cela ne signifie pas qu’il n’en est pas moins nouveau pour les yeux et les oreilles qui le découvrent pour la première fois.

Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Cela aussi, fait partie du jeu.

Une façon simple de sortir de notre cycle de rééditions est donc d’opérer la distinction entre ce qui est nouveau pour internet et ce qui est nouveau pour un nouveau public.

Les troisièmes actes médiatiques multigénérationnels ne sont pas si indigestes…à condition qu’il y ait aussi du contenu produit pour aujourd’hui.

  1. (Re-)construire la recherche et l’exploration

Le problème sous-jacent de 2022 n’est pas la pénurie de grands talents, mais le fait que nous ne pouvons pas les trouver facilement.

La découverte, la sélection, la distribution et l’amplification du contenu de qualité ont désespérément besoin d’être repensés. En 1986, il n’était pas possible de tout découvrir. Aujourd’hui, nous disposons de la technologie nécessaire pour aller bien au-delà des sources de découvertes traditionnelles et mono-culturelles. Or il semble que nous ayons cessé d’explorer – hypnotisés par le confort- et préférant recevoir plutôt que chercher.

Il est facile d’affirmer que le marché fera son travail et récompensera les plus méritants, les meilleurs, qui monteront alors inévitablement au sommet. Mais ce n’est tout simplement pas le cas.

La Longue Traîne ne parvient pas à identifier et à relier la niche à son public enthousiaste. Posez-vous la question : à quand remonte la dernière fois où vous avez découvert un nouvel artiste dont vous êtes devenu immédiatement fan ? Le chemin a-t-il été facile ? Pouvez-vous trouver votre nouvel auteur émergent préféré- cet après-midi – sans effort ?

Nous pouvons pousser notre système à aller plus loin. Une levier manuel est nécessaire, cette fois du côté des artistes émergents, afin d’augmenter leur portée. Il ne s’agit pas de rendre tous les artistes « grand public », mais de connecter davantage de fans potentiels à leur prochain créateur préféré.

D’après nos recherches, 64 % des gens font confiance aux recommandations d’une plateforme de streaming pour trouver du contenu qui leur plairait. Mais parallèlement, 3 personnes sur 4 pensent que les plateformes de streaming peuvent faire encore mieux pour mettre en avant du contenu non populaire qu’ils pourraient apprécier. La cerise sur le gâteau : 62 % des personnes interrogées souhaitent que les plates-formes de streaming leur recommandent davantage de contenus inconnus, même s’ils risquent de ne pas les aimer.

Nous avons résolu la barrière à l’entrée, mais nous n’avons toujours pas résolu la barrière à la découverte. Historiquement, on pouvait effectivement émerger de la longue traîne à coup de dépenses publicitaires, mais aujourd’hui, l’encombrement rend cette tactique futile.

Thomas Klaffke, responsable de la recherche chez TrendWatching, fait un parallèle entre le paradoxe qui nous occupe et les réflexions de Kasey Klimes sur l’opportunité de fabriquer de l’émergence (ou tout simplement « concevoir pour l’exploration« ).

« Dans tout design favorisant l’émergence, le concepteur part du principe que l’utilisateur final détient les connaissances pertinentes et lui donne un contrôle étendu sur la conception. Plutôt que de concevoir le résultat final, nous créons l’expérience de l’utilisateur destinée à concevoir son propre résultat final« .

Plutôt que de proposer la même chose à tous, les plateformes devraient faire confiance à leurs utilisateurs pour tracer leur propre chemin de découverte – et pas exclusivement par des moyens désincarnés et algorithmiques.

Pour aider les créateurs d’aujourd’hui, nous devons redéfinir les chemins d’accès à leurs publics potentiels. Et côté consommateurs, nous devons nous demander : à quoi pourrait ressembler une plongée dans le terrier du lapin lorsqu’elle est réellement agréable et volontaire ?

  1. Réécrire les règles, intégralement, en faveur du risque

Anita Elberse, professeur à la Harvard Business School et auteur de Blockbusters – une analyse de ce phénomène, tempère ainsi le problème ,

« Bien sûr, je comprends les inquiétudes concernant la diversité du contenu, et le fait que certains éléments que les gens aiment disparaissent. 

Mais dans l’ensemble, je ne suis pas si pessimiste. Ce n’est pas un hobby, c’est un business ».

On nous sert encore une fois, le poncif : « le marché fera son travail ». Mais ce qu’Elberse et d’autres au sommet oublient, c’est que le risque et la diversité peuvent justement être les moteurs du business. Il ne faut pas oublier que nous avons du pouvoir sur ces décisions de business. Nous fixons nos propres règles. « C’est du business » constitue une opportunité, pas une excuse.

Nous avons constaté que, toutes tranches d’âge confondues, 81 % des gens disent vouloir que les divertissements reflètent mieux des expériences et des goûts uniques, semblables aux leurs, tandis que 76 % veulent que les producteurs de télévision, de cinéma et de musique prennent davantage de risques créatifs dans ce qui est produit aujourd’hui.

Le risque est sûr.

Au sommet des entreprises, nous pouvons récompenser la prise de risque créative. Nous pouvons encourager les projets novateurs et soutenir financièrement ou émotionnellement les outsiders. Nous pouvons assouvir des appétits inconnus ou non révélés en créant des concours crowdsourcés ou en allouant des fonds aux œuvres d’étudiants. Nous pouvons itérer sur des modèles visant à rendre la longue traîne encore plus appétissante financièrement.

Certaines des plus belles œuvres de cette année – Turning Red, Everything Everywhere All At Once et Marcel the Shell – ont des pitchs qui défient les modèles et les clichés. Ce sont de pures aberrations. Mais leur succès créatif (et financier) est en partie dû au fait qu’il n’existe aucun référentiel préalable. La différenciation créative, est, en soi, une stratégie gagnante. A24, pour sa part, a su faire un pas de côté, embrassant de manière rafraîchissante les avantages financiers de l’originalité et de la friction.

Retour à Scorsese. Comme il l’explique,

« [Les films d’aujourd’hui] manquent d’une chose essentielle au cinéma : la vision unificatrice d’un artiste individuel. Car, bien sûr, l’artiste individuel est le facteur le plus risqué de tous. Historiquement, la tension entre les artistes et ceux qui géraient les affaires était constante et intense, mais c’était une tension productive qui nous a donné certains des plus grands films jamais réalisés. Aujourd’hui, cette tension a disparu, et il y a des gens dans le métier qui font preuve d’une indifférence absolue à l’égard de la question même de l’art et d’une attitude envers l’histoire du cinéma qui est à la fois dédaigneuse et exclusive – un mélange mortel. »

Ce qui afflige l’industrie musicale n’est pas différent. Aujourd’hui, certains artistes et insiders craignent même d’écouter des démos non sollicitées, ce qui pourrait les rendre vulnérables à de futures poursuites judiciaires. Exemple typiquement redouté : l’un de leurs succès pourrait ressembler par coïncidence à quelque chose qu’ils ont entendu auparavant – comme l’a montré récemment le cas de Robin Thicke & Pharrell Vs Marvin Gaye à propos de « Blurred Lines ».

Nous entrons donc dans une époque où certains commencent à prendre leur distance avec la créativité.

Nick Littlemore, du trio australien Pnau, partage cet avis :

« [Aujourd’hui, culturellement] nous avons peur des nouvelles idées. Quand elles n’ont pas été testées sur le terrain. Nous préférons donc faire quelque chose qui a peut-être un peu plus de garanties de succès. »

Quel est l’impact sur une génération si nous marchons sur des œufs face à la « nouveauté » ? Rien de bon, à un niveau macroéconomique.

La créativité doit être considérée comme une liberté, et non comme une crainte.

  1. Refondre le succès et réévaluer les charts

Nous devons crier sur les toits qu’il n’y a pas de mal à être un créateur sans un milliard de vues. La renommée de M. Beast et de Dobrik est unique – elle n’est pas accessible à tous.

Décider d’écrire une newsletter pour 100 personnes n’est pas seulement acceptable, c’est un exploit incroyable. À l’inverse, pirater l’attention pour imiter et s’opposer (involontairement) aux célébrités institutionnelles au “sommet des charts” n’aide personne.

Nous devons réévaluer la portée, le nombre de vues et les revenus publicitaires comme étalons-mètres du succès, et viser plutôt la valeur de la profondeur. On pourrait appeler ça l’inestimable intensité de l’amour. Généralement, nous ne nous intéressons qu’à ce que nous pouvons mesurer. Et la passion est une mesure opaque.

Pourquoi avons-nous encore des cérémonies de remise de prix ? Des études révèlent que moins de la moitié des gens croient que les palmarès musicaux et les chiffres du box-office reflètent fidèlement la qualité de l’entertainment d’aujourd’hui. Étonnamment, ce sont les jeunes générations qui sont les plus susceptibles de faire confiance à ces palmarès. Pourquoi ? Parce que ces publics sont dangereusement plus impressionnables…

Selon Sari Azout et Jad Esber :

« Pour qu’une classe moyenne de créateurs émerge, nous devons apprendre à reconnaitre des signes plus distinctifs de préférences et de goûts, une rupture avec les algorithmes uniques et discriminatoires des plateformes sans oublier l’opinion de la petite coterie qui arbitre le goût et façonne l’esthétique dominante d’aujourd’hui. Grâce à cela, les individus pourront décider de « ce qui est le mieux » pour eux, ce qui permettra au talent de jouer sur un spectre de goût plus large, d’élargir la définition qui prescrit qui est « le meilleur » – tout en enrichissant les possibilités d’en tirer profit.”

Nous voilà devant l’opportunité massive de réécrire non seulement les règles d’encouragement à la prise de risque, mais aussi de redéfinir à quoi ressemble un « créateur à succès ».

Culturellement, nous sommes attachés aux mesures traditionnelles (plus d’argent ou plus d’audience), et enchaînés à un schéma classique d’étapes vers le succès. Même pour les nouveaux créateurs d’aujourd’hui, les occasions standards telles que les interviews TV, les parrainages de marques, les publicités, les apparitions dans SNL*, les trophées de remises de prix et même les boutons de lecture de YouTube sont toujours considérés comme des marqueurs de réussite.

Pourquoi ?

Nous utilisons encore, à tort, des indicateurs de réussite poussiéreux dans l’environnement média d’aujourd’hui.

Où sont les prix célébrant les brillants petits artistes émergents ? Où sont les mégaphones qui attirent attention et financements vers les créateurs de niche ? Où est la campagne qui nous rappelle que la créativité meurt à l’ombre des rééditions, et que le simple fait de faire quelque chose est une célébration en soi ?

Comme me l’a dit Mastroianni,

« C’est une pensée bien naïve et optimiste d’imaginer que la Longue Traîne est destinée à rivaliser équitablement avec Tom Cruise et qu’il pourrait être détrôné sur un même référentiel par un TikTok. En réalité, il perd assez souvent, mais ce n’est pas clairement documenté […] Il s’agit peut-être d’une histoire liée à la valeur durable et douteuse des “charts ». Ils ne révèlent pas toute l’image de ce qui se passe dans la culture. »

Nous avons besoin de nouveaux palmarès, de nouveaux critères et de nouvelles mesures auxquelles nous pouvons nous comparer et, surtout, avec lesquels nous pouvons progresser plus sainement.

  1. Chercher le bizarre avec le risque ascendant

Nous ne sommes pas tout à fait sortis d’affaire ici. Nous, les consommateurs d’entertainment, devons également être tenus pour responsables.

Le risque côté “consommateur », cela signifie être ouvert à un peu plus d’expérimentation. Mélangez les choses. Variez votre régime média. Les documentaires en noir et blanc étrangers sous-titrés ne sont pas une obligation, mais la répétition de schémas familiers ou l’adhésion à tout ce que génère l’algorithme devraient être supprimés de nos routines de consommation.

Nous ne pouvons pas espérer une diversification si nous ne commençons pas par y goûter, afin d’en manifester le désir. Les scrupules de Scorsese à l’égard du Hollywood d’aujourd’hui trouvent leur origine dans ce dilemme.

« Si on ne donne aux gens qu’un seul type de chose et qu’on ne leur vend sans cesse qu’un seul type de chose, il est évident qu’ils vont vouloir davantage de ce seul type de chose. »

Pour sortir de ce système, c’est à nous de manifester notre intérêt pour tout autre chose que Fast & Furious 30. Nous pouvons l’avoir… mais aussi plus que ça.

C’est au public aussi de prendre des chemins de traverse, en rendant incontestablement visible sa demande d’unique.

Partie VI : le Cliffhanger

Lorsque la reproduction est récompensée, la monotonie devient omniprésente.

Lorsque la créativité – ou le manque de créativité – est principalement motivée par le rendement financier, les risques sont minimisés. Mais le public est mal nourri.

Et lorsque la niche n’atteint pas son public, elle meurt sans qu’on lui prête attention. Les artistes émergents mettent ça sur le compte du système et se retirent avant même de se battre.

La pertinence et le reach sont en tension. Nous devons trouver des moyens d’atteindre l’équilibre. Car si nous ne le faisons pas, notre avenir deviendra, littéralement, notre passé.

Nous avons devant nous l’opportunité intimidante de mieux soutenir les niches et de présenter la nouveauté à ses fans impatients.

Attention, il ne s’agit pas d’une déclaration visant à tuer les Minions, mais il s’agit d’admettre que nous avons un contenu tout aussi plaisant – et plus riche – qui nous attend, hors des sentiers battus. Heureusement, nous ne sommes pas dans un scénario de type « tout ou rien ».

Nous pouvons avoir les méga-succès de Tom Cruise et des artistes indépendants et bizarres qui prospèrent au même moment. Sans oublier de nouvelles suites de blockbusters de Super-Héros aux côtés de productions provocatrices explorant des communautés sous-représentées et renversant les tabous de manière plus explicite.

Nous avons le choix. Le choix de ce que nous consommons. Et le choix de créer ou non de nouvelles règles pour y parvenir.

Tant que nous demeurons conscients qu’il y a bien plus à apprécier…

Alors choisissons pour nous-mêmes. Et célébrons ceux qui le font pour eux-mêmes.

Merci à Ben Dietz, Josh Chapdelaine, Jad Esber, Adam Mastroianni, Ted Gioia, Kevin Alloca, Sarah Unger, Dr. Marcus Collins, Dylan Viner et Chris Dancy pour leurs idées qui ont permis d’approfondir et de distiller cette analyse. Merci.

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*Saturday Night Live