Alors que 2022 est à peine entamé, le travail reste suspendu entre contraintes sanitaristes et intense productivité – et les pénuries nombreuses ne semblent guère le retarder.. Peut-être avons-nous un peu appris, depuis le début de cette pandémie – désormais devenue endémique ; ce qui impliquerait que son éradication passe par bien d’autres méthodes que celles d’une gestion de crise…
Le renouveau du travail à domicile – il s’agit en effet d’une très ancienne pratique – transforme peu à peu nos relations salariées : les espaces de libre organisation personnelle (travail asynchrone et distant) mettent en relief l’indispensable collaboration, faite d’humaines relations ; la numérisation ou la digitalisation achoppent face à l’insécurité systémique d’internet et à la lassitude des écrans impersonnels ; l’évaluation de la valeur ajoutée authentiquement créée se substitue peu à peu au seul pauvre décompte du temps passé ou de l’opiniâtreté des efforts…
Cette nouvelle organisation du travail emporte avec elle une drastique réduction des contrôles. Et consécutivement, une inflation de la confiance. Bon gré mal gré pour certains, avec enthousiasme pour le plus grand nombre. Quelques-uns l’avaient même anticipé, déclarant vouloir faire de cette confiance le moteur premier de la motivation professionnelle. Suffit-il pourtant de s’y résoudre ou de la vouloir, pour créer la confiance ? De la décréter pour en faire une efficace méthode de management ?
Qu’est-ce que la confiance ?
Un aphorisme apocryphe (attribué à Vladimir Illich Oulianov, dit Lénine) fleurit en tout lieu, affirmant, dogmatique et péremptoire, que « la confiance – ou la délégation – n’exclut pas le contrôle ». Nous avons tous l’expérience concrète que rien n’est plus faux ! Si j’ai confiance dans mon conjoint, vais-je mettre un traceur dans ses affaires ou sur son portable ? Si j’ai confiance en mon enfant, vais-je contrôler chacun de ses faits et gestes ? Si je reçois des amis chez moi, vais-je fouiller leurs poches avant leur départ ? Ainsi, la confiance authentique se vérifie en ce qu’elle exclut tout contrôle, par définition même.
Un général d’armée récemment rencontré, affirmait – métaphore hardie – que « la confiance, c’est comme une allumette, ça ne sert qu’une fois ! ». Là encore, l’image est fallacieuse : nous savons d’expérience que la confiance se créé peu à peu, avec patience et bienveillance, au gré de relations véritables, mais variables et fragiles. Et qu’elle peut se restaurer, lorsqu’abimée, par simple humanité et dans la vérité.
L’étymologie nous donne une clé pour comprendre la réalité anthropologique de la vraie confiance. Il s’agit d’une foi (et non d’une certitude) réciproque, l’un dans l’autre ! Partagée. Échangée. Cette une relation se construit à deux, dans une indispensable et absolue symétrie. Ainsi, une confiance prétendument unilatérale constituerait alors un redoutable non-sens et la confiance en soi se révèle être un bien ambigu abus de langage… Ne serait-il pas plus exact de parler de foi en soi (ou assurance), qui deviendrait confiance dès que partagée par un autre ?
Comment créer ce « management à la confiance », auquel tant aspirent, dans nos belles organisations ? Et comment éviter d’engendrer ses contraires, la méfiance ou la défiance. Mesurons-nous vraiment l’impact de nos messages – symboliques mais puissants – au gré des méthodes héritées du passé, que nous envoyons à l’ensemble de nos collaborateurs ? Des injonctions paradoxales et négatives aux assessments interminables ou aux tests de personnalité divinatoires – et presque secrets, des KPI aux reportings en passant par les pack- slide et les révisions budgétaires incessantes, des cahiers des charges aux évaluations périodiques, des excès procéduriers aux dérives réglementaristes, des entretiens de « recadrage » aux contrats de travail pointillistes, des objectifs individuels imposés aux rémunérations conditionnelles, de nos impatiences inutiles à nos récurrentes procrastinations… quelles définitives défiances créons-nous ? Involontaires sans doute, mais pour autant bien réelles ? Par répétition, par symétrie autant que par mimétisme ? Et « quand on n’arrive pas à créer la confiance, on instaure la peur ! » remarquait très justement Alain Duhamel.
Jamais, quoi qu’on en veuille, la confiance ne pourra se décréter, se feindre ni s’imposer ! Il nous reste encore tout un nouveau monde de confiance laborieuse à réinventer, sans peur et sans aucun doute en rupture avec nos routines passéistes ou de nos paradigmes éculés… C’est le vœu que de grand cœur je forme pour nous tous, tout au long cette année de profond renouveau.
Xavier Camby est le CEO et fondateur d’Essentiel Management Conseil