Le Pouvoir de la Curiosité - Umanz

Le Pouvoir de la Curiosité

Le Pouvoir de la Curiosité

La curiosité est aujourd’hui reconnue comme une qualité enviable pourtant, elle a longtemps senti le souffre.

Car la curiosité, au départ, est une transgression…

1- La curiosité est une transgression

 

Vous avez souvent entendu une grand-mère vous dire “la curiosité est une vilain défaut” ou un vieil oncle d’un air de reproche balayer votre question d’un  “te voila bien curieux”.

Il faut savoir que cette transgression vient à l’origine du mythe d’Adam ou Eve où la curiosité d’Adam attisée par Eve, elle même flouée par le Serpent (représentant le mal) lui aurait fait goûter le fruit défendu de l’arbre de la connaissance lui faisant perdre, par la même occasion, le paradis terrestre.

Petite anecdote curieuse, c’est un mythe très présent dans le monde entier puisqu’on le retrouve dans d’autres religions  Ainsi dans l’hindouisme, le livre de Bhavishya Purana fait aussi mention de deux caractères similaires Adama et Havya dans l’un de ses récits.

C’est à cause de ce mythe fondateur que l’Eglise rejettera longtemps la curiosité et que de grands guides spirituels de l’époque comme Thomas d’Aquin préféreront longtemps parler de studiosité que de curiosité.

Au moyen-âge, l’examen du corps humain est proscrit et l’Eglise interdira ainsi de dépecer les cadavres. Ceci mènera l’occident chrétien à prendre un retard considérable en médecine alors que, dans le monde musulman, Abulcassis, (936-1013) du Califat de Cordoue rédige au tournant du millénaire le Tarsif, une encyclopédie médicale en 30 volumes qui comporte plus de 200 instruments. 

 

Comme le concile de Tours  en 1163  l’imposera au monde chrétien Ecclesia abhorret a sanguine (L’Église abhorre le sang) : la dissection des cadavres est strictement interdite et la chirurgie est rejetée comme acte de barbarie.

Et c’est pour cela que la médecine et a fortiori la chirurgie prirent tant de temps à décoller. Saviez-vous que les premiers chirurgiens descendent en fait des premiers barbiers. Ce n’est en effet qu’en 1691 qu’un édit royal français séparera chirurgiens et barbiers, les chirurgiens sont alors nommés barbiers de longues robes et les coiffeurs barbiers de courte robe.

2- La curiosité est une disponibilité

Ce n’est qu’à la renaissance que la curiosité est réhabilitée avec les grandes explorations, elle devient alors une disponibilité, un signe d’ouverture au monde. Apparaissent alors les cabinets de curiosité que l’on appelle aussi studiolo en Italie et où figurent autant d’objets réels que mythiques issus des grandes explorations.

 

Les cabinets de curiosité à l’époque comprennent plusieurs sections Naturalia, objets créés par la nature et Artificalia, des objets créés par la main de l’homme

Voila ce qu’on peut y découvrir : 

Dans la section Naturalia, un objet réel, la fulgurite qui porte bien son nom car il s’agit d’une concrétion souvent formée suite au passage de la foudre sur des sols calcaires.

 

Dans la section Artificialia, des Zograscopes ancêtres du cinéma.

 

 

Mais on y trouve aussi des objets complètement mythiques et …complétement faux. Par exemple des racines de barras aux pouvoirs prodigieux mais seulement découvrables dans le sol à l’aube après qu’un chien a uriné sur un sang de vierge, où encore des fémurs de  l’agneau Tatare un agneau sans peau qui pousserait sur un arbre au bord de la Volga et qu’on peut cueillir avec une brassée d’herbe fraîche.

 

À cette époque l’incarnation ultime de l’homme de la renaissance est ce qu’on appellerait aujourd’hui un polymath, un hypercurieux. À la fois artiste, savant et inventeur c’est Léonard de Vinci que je considère comme le “Goat” absolu de la curiosité comme l’atteste l’une de ses to-do-list que je ne résiste pas au plaisir de vous lire 

● Calculer les  mesures de Milan et de sa banlieue 

● Demander au Frère Brera du monastère benedictin de Milan le texte de Poderibus sur la mécanique

● Demander à Bennedetto Potinari (marchand de florence) par quels moyens ils traversent les glaces en flandres

● Dessiner Milan

● Demander à Maestro Antonio comment sont positionnés les mortiers de jour et de nuit sur les bastions

● Demande la taille du soleil à Maestro Giovanni Francese

● Trouver un expert en hydraulique et lui demander comment réparer une serrure, un canal et un moulin…À la manière lombarde !

 

3- La curiosité est une drogue

La curiosité est aussi une drogue. C’est une propriété que l’on a découverte en observant la mésange charbonnière qui a la particularité de construire son nid avec l’aide d’une foule de matériaux : brindilles de fer, bouts de plastiques ou vêtements humains.

 

On a trouvé que le cerveau de la mésange charbonnière était anormalement peuplé de récepteurs D4 sensibles…à la Dopamine. Chaque nouvelle découverte chez le petit oiseau étant ainsi ponctuée de véritables shots de dopamine.

Chez nous aussi, les fameux “moments Eureka” sont souvent des moments qui s’accompagnent de forte décharge de dopamine qui est la molécule du plaisir. La sécrétion de dopamine est donc l’un des mécanisme de récompense les plus efficace de l’apprentissage. 

4- La curiosité est une urgence

La curiosité est aussi une urgence et une course contre la montre car on ne pourra jamais tout lire et tout savoir.

C’est ce qu’à découvert l’essayiste Tim Urban qui a conçu cette image en réfléchissant au nombre de noëls qui lui restaient à vivre et surtout au nombre de noëls qu’il lui restait à passer avec ses parents avec ce petit conseil : n’attendez pas pour poser à vos parents les questions que vous ne pourrez pas leur poser après.

 

Même chose en calculant le nombre de livres qu’il vous reste à lire. Si l’on prend la stat moyenne de 4 livres par femmes et par an (il tombe à deux pour les hommes), il vous reste dans une vie…très très peu de (bons) livres à lire… Songez qu’un homme de 30 ans qui ne lit que 2 livres par an n’a plus que 100 livres à lire avant de mourir…

 

La curiosité est donc une urgence mais c’est aussi paradoxalement une patience…

C’est la thèse de Malcom Gladwell dans son livre Outliers où il explique après avoir étudié la vie de grands athlètes, de savants mais aussi de grands artistes comme les Beatles qu’il fallait en moyenne 10.000 Heures pour devenir excellent dans ce que l’on fait.

Les Beatles ne sont pas devenus des stars instantanées en sortant de la Cavern à Liverpool mais en suant sang et eaux et en essorant leurs chaussettes entre trois “gigs” chaque soir devant des marins saouls et peu réceptifs à Hambourg, au début de leur aventure.

5- La curiosité est un avantage

L’un des plus grands pouvoirs de la curiosité est qu’elle vous donne un avantage certain. J’emprunte cette anecdote à l’historien Christian Monjou. 

Elle raconte l’histoire d’un autre symbole incarné de la curiosité, Pierre Le Grand.

 

Le jeune Pierre trouva dans la maison de son aïeul, Nikita Romanov, un canot anglais d’une structure particulière qui fut à l’origine de sa passion pour la navigation. Une passion née sur le petit lac Plechtcheïevo.

A l’époque en cette fin de XVIIème siècle la Russie enchainait défaites sur défaites face à la Suède sur les mers. Persuadé qu’elle pouvait être une grande nation sur terre mais aussi sur mer, le jeune Empereur Russe est allé en personne travailler comme simple ouvrier sous un nom d’emprunt de Pierre Mikhaïlov dans les chantiers navals de la Compagnie Néerlandaises des Indes orientales en 1698 puis par la suite à Londres aux Chantiers de Deptford, près de la Tamise, où se faisaient les lancements de bâtiments militaires anglais.

De retour au pays, il fera construire la première grande flotte militaire Russe et finira par défaire les Suédois en 1709 ouvrant d’importantes voies maritimes à la Russie

6- La Curiosité est une avantage

On retrouve un autre exemple de la curiosité comme avantage dans l’utilisation asynchrone d’information. En 1815, à la Bataille de Waterloo, alors que Londres pariait plutôt sur les marchés à terme sur une victoire française, le fameux banquier Nathan Rothschild avait envoyé ses propres espions en Belgique dotés de pigeons voyageurs sur le champ de bataille. 

Il fut ainsi le premier à apprendre la défaite de Napoléon et put sur les marchés empocher une petite fortune en spéculant contre la tendance majoritaire. La tradition s’est poursuivie plus tard car Julius Reuter, légendaire fondateur de la célèbre agence Reuters envoyait ses premiers bulletins d’information par pigeons voyageurs.

 

On assimile beaucoup de la curiosité comme d’une exploration des “terriers de lapin” (Cf. la fameuse expression anglaise des Rabbit Holes) et l’un des autres pouvoirs de la curiosité est certainement celui de pouvoir se perdre. 

C’est le message secret du dialogue d’Alice face au chat de cheshire : 

 
  • “Voudriez-vous me dire, s’il vous plaît, par où je dois partir d’ici ?

  • Cela dépend beaucoup de l’endroit où tu veux aller.

  • Peu m’importe l’endroit…

  • En ce cas, peu importe la route que tu prendras. »

Carl Jung, le célèbre psychanalyste parle de son côté des révélations qui suivent un processus consistant à tourner en rond qu’il appelle la circumambulation.

C’est le message de Tolkien : « Tous ceux qui errent ne sont pas perdus. »

Et c’est aussi le message mythique de Nachlam de Braslow :

“ Ne demande surtout pas ton chemin, tu risquerais de ne pas pouvoir te perdre.

7- La curiosité est une sérendipité

Autre caractéristique de cette liberté, de cette capacité à pouvoir se perdre, la curiosité est aussi une sérendipité. Si vous ne connaissez pas ce merveilleux terme sachez qu’il désigne l’heureux hasard, cette capacité unique qu’a le destin de nous placer dans les bons rails. 

L’histoire de la sérendipité vient d’un conte merveilleux : les trois princes de Serendip écrit par Horace Walpole en 1712 . Il est lui-même inspiré par un ancien conte persan, écrit par le poète Amir Khusrau en 1302. Le mot sérendipité provient en effet de « Serendib », une ancienne appellation arabe de Sri Lanka, elle-même dérivée du tamoul « Seren deevu » et du sanscrit « Suvarnadweepa », signifiant « île dorée ».

 

Les trois Prince de Serendip sont trois frères astucieux, débrouillards et aventureux qui quittent leur père à la découverte du monde. Ils retrouvent un chameau égaré en déduisant qu’il était borgne, transportait du miel et du blé et…une femme enceinte, la fille du sultan.

Cependant, leur habileté les conduit vers un malentendu et ils sont faussement accusés de vol d’un chameau et emprisonnés. Leur innocence est prouvée lorsqu’un voyageur annonce avoir vu le chameau errant dans le désert. Le souverain Vahram Gur, impressionné par leur ingéniosité et convaincu de leur innocence, les gracie et leur offre des cadeaux somptueux, les nommant même conseillers.

L’histoire illustre le concept de sérendipité, où des découvertes fortuites et bénéfiques surviennent à la suite d’une intelligence pratique et d’une observation minutieuses. Le conte se termine avec le retour des princes dans leur pays, prêts à succéder à leur père après leurs voyages enrichissants.

C’est précisément pour cela que la sérendipité ne désigne pas uniquement l’heureux hasard mais aussi le bénéfice de la sagacité et de la curiosité.

On retrouve ainsi la sérendipité dans la découverte du vaccin contre la rage avec pasteur. Rappelez vous que la phrase au fronton de l’Institut Pasteur est “la chance favorise les esprits préparés”. 

On croise aussi la sérendipité dans la découverte par hasard de la vulcanisation, celle des antibiotiques par Flemming mais aussi dans la découverte fortuite…du Roquefort.

L’autre pouvoir de la curiosité est qu’elle est partagée et qu’elle s’enrichit par le partage. Savez-vous pourquoi la pyramide de l’apprentissage de John Hagel est en trois dimensions ?

La troisième dimension de John Hagel c’est le partage et c’est pourquoi je vais me prendre au mot et vous partager les faits et les images qui m’ont le plus surpris ces dernières années  :

Tout d’abord cette image  de la remontée des accidents de piétons qui serait due en partie aux téléphones mobiles mais aussi au fait que les véhicules commercialisés ces dernières années comme les SUV sont devenus de plus en plus lourds passant de 800 kg en moyenne à 1,6 tonnes.

Ou encore ce étrange disparition du sexe chez les jeunes générations

Ou encore ce graphique terrifiant qui nous explique que les choses qui nous abrutissent le ont connu une chute de prix vertigineuse alors que le soin, la santé ou l’éducation devenaient hors de prix ( ce qui est vous en conviendrez, une raison de plus pour rester curieux).

J’ai aussi appris dans mes pérégrinations curieuses dans les terriers de lapin, la vraie origine du Moleskine. C’est en fait l’écrivain  Bruce Chatwin qui a popularisé le terme « moleskine » en 1987 dans son ouvrage « Le chant des pistes », où il décrit ces carnets ayant une couverture rappelant la « peau de taupe » littéralement Mole Skin et composés de toile cirée noire, avec des pages quadrillées, maintenues fermées par une bande élastique. 

Produits depuis le XIXe siècle par une entreprise familiale de Tours, ces carnets n’avaient pas de nom spécifique et ont cessé d’être fabriqués en 1985, comme Chatwin le déplore dans son livre en mentionnant que « Le vrai moleskine n’est plus »

C’est en 1997, que l’’entreprise Italienne Modo & Modo a relancé la production de ces carnets, recréant le design décrit par Chatwin et enregistrant « Moleskine » comme marque, bien que ni le concept des carnets ni le terme n’étaient auparavant protégés par un droit de marque.

J’ai aussi appris qu’il existait une pierre avertissant du danger des tsunamis mortels des siècles passés, au village d’Aneyoshi, préfecture d’Iwate non loin de Fukushima célèbre pour son Tsunami de 2010 elle disait ceci : « Une maison en hauteur apportera paix et bonheur à la postérité », lit-on sur l’inscription de la pierre, qui a été érigée…après un immense tsunami en 1933.

J’ai enfin appris la fabuleuse histoire de Pan Art et du Handpan et comment cette petite entreprise Suisse avait reconstitué un HandPan s’inspirant des différents instruments traditionnels Orientaux.  L’instrument signifie littéralement main et colline; il a été créé par Felix Rohner et Sabina Schärer à Berne, en Suisse, en 2000. 

 

Cet étrange tambour venu d’ailleurs produisant une « musique des sphères » a rencontré un succès que ses inventeurs n’avaient pas anticipé. 

Pour tenter de limiter le nombre élevé d’acheteurs, ils ont imposé des conditions strictes : chaque acheteur potentiel devait rédiger une lettre de motivation et se rendre personnellement à leur atelier en Suisse pour acquérir l’instrument. Malgré cette exigence élevée, plus de 20 000 personnes ont envoyé leur lettre, signe d’un intérêt fort pour l’instrument. Cependant, face à cette demande toujours croissante, Pan Art a pris la décision d’arrêter la production et la vente de l’instrument en septembre 2014. 

Depuis lors, il n’est disponible que sur le marché de l’occasion, bien que difficile à trouver, car les acheteurs s’engagent souvent à ne pas le revendre. Il vaut aujourd’hui plus de 8500 dollars sur Ebay.

La dernière anecdote savoureuse que je voulais vous raconter est celle du producteur de Games Of Thrones chez HBO, Michael Lombardo.

Elle illustre magnifiquement le pouvoir de la curiosité .

Un après-midi, alors qu’il était indécis quant au choix des scénaristes, Lombardo s’est rendu au centre de gym Equinox de Santa Monica, situé à quelques pâtés de maisons de la plage. 

En traversant la section cardio, il a aperçu Dan « D.B. » Weiss, l’un des principaux scénaristes pressentis du pilote de « Game of Thrones », absorbé par une copie du livre original de George R.R. Martin. Le livre était littéralement couvert d’annotations alors que Weiss pédalait sur un vélo incliné. Lombardo s’est approché pour saluer Weiss, et ils ont discuté quelques minutes. Lombardo a observé que Weiss tenait un Stabilo et que le livre était complètement recouvert de notes et de pages cornées. 

C’est à ce moment précis qu’il a choisi Weiss. Il confiera plus tard que que c’est exactement le type d’engagement et de passion que HBO recherchait pour soutenir ses projets.

Voilà pour ce tour d’horizon des grands pouvoirs de la curiosité en tant que transgression, disponibilité, drogue, urgence, liberté, patience, avantage et partage.

Un dernier mot pour vous dire que je suis persuadé que tout le monde a une curiosité particulière…à l’âge de l’automatisation et de l’intelligence artificielle, cultivez précieusement la vôtre

Devenez un “remarqueur remarquable” car un jour la curiosité vous offrira sûrement les bénéfices de cette étrange intersection entre vos propres unités de curiosités, l’expertise et le hasard.   

Je vous souhaite de merveilleuses curiosités. N’hésitez pas à faire appel à moi pour une Keynote et pour planter la graine de la curiosité dans votre société ou votre établissement ou venez me rendre directement visite dans mon cabinet de transition de vie Second Act .

Patrick Kervern