Au départ, c’était une approche proposée par Paul Saffo, prévisionniste, futurologue et professeur à Stanford, c’est ensuite devenu une technique de VC popularisée par Mark Andreessen, créateur de Netscape et co-fondateur d’Andreessen Horowitz ou encore Paul Wilson d’Union Square Venture. C’est aussi une méthode de prise de décision dans un univers extrêmement fluctuant.
Que dit précisément cette pratique d’’ “Opinion ferme main souple” (“Strong Opinions Weakly held”) ?
Comme l’explique Naval Ravikant, le sage de la silicon valley
« Dans ce business tout ce qui est considéré comme de la sagesse conventionnelle explose un jour. «
Il faut donc maintenir un équilibre fin et complexe entre des opinions fermes, des thèses longuement réfléchies mais aussi avoir l’humilité et la souplesse de changer brutalement et radicalement d’opinion lorsque les data et les faits contredisent votre posture.
Tenir et savoir lâcher
L’étrange paradoxe de la position “Opinion ferme main souple” rassemble l’attitude non-émotionnelle et dépassionnée des grands investisseurs capable de couper une position mécaniquement avec des stop-loss mais aussi la conviction inébranlable d’un Warren Buffet capable de garder des positions longues contre vents et marées en mode buy & hold. Des attitudes face aux risque -et à la peur- foncièrement contradictoires et souvent intenables sur une même échelle temporelle. Twitter et Facebook auraient pu mourir plusieurs fois dans leurs jeunes années sans le soutien d’investisseurs doués de la subtilité et des nuances d’arbitrage de type “conviction forte et main souple.”
Car tenir et savoir lâcher ne font pas souvent bon ménage. En tout cas pas chez les mêmes personnes. Isaac Morehouse, auteur d’un Podcast sur le concept explique ainsi qu’il est rare de combiner à la fois un pouvoir de limite et d’ouverture.
Cette approche ferme et souple se retrouve également chez de grands entraîneurs sportifs, stratèges par excellence des temps réels et fluctuants c’est par exemple l’approche d’Arsene Wenger qui déclarait récemment :
« Un entraîneur a un concept clair pour lequel il est prêt à se battre…Mais ils doit être aussi capable de le mettre à la poubelle”
Décomposer le process
Voici comment Paul Saffo décompose son approche dans le temps par une série de séquences prévisionnelles matinées de test and learn :
« J’ai constaté que le moyen le plus rapide d’obtenir une prévision efficace est souvent une série de prévisions erronées. Au lieu de retenir mon jugement jusqu’à ce qu’une recherche exhaustive de données soit terminée, je me forcerai à faire une prévision provisoire basée sur les informations disponibles, puis à l’invalider systématiquement, en utilisant les connaissances acquises pour guider ma recherche d’autres indicateurs et informations. Itérez ce processus plusieurs fois, et il est surprenant de voir à quelle vitesse on peut arriver à une prévision utile ».
Fred Wilson explique de son côté sa propre manière d’effectuer ses investissements en Opinion ferme, main souple.
« Lorsqu’une opportunité d’investissement se présente, j’ai immédiatement une opinion et je l’exprime, souvent avec force. Mes collègues comprennent que c’est mon style et ne me laissent pas intimider la conversation. Parce qu’ils savent aussi que je plierai rapidement lorsque les faits prouveront que j’ai tort. Et je n’ai pas besoin de trop de faits pour me le prouver. »
Comment garantir la validité du processus ? Ameet Ranadive, Product Manager chez Instagram recommande de s’entourer pour la partie “main souple” de personnes en fort désaccord avec vous qui auront le courage de challenger votre raisonnement. Il rappelle qu’un des bénéfices de la méthode est d’enrichir les décisions d’informations, souvent manquantes, tout au long du process. C’est l’une des meilleurs méthodes d’intelligence collective et de lutte contre les biais cognitifs personnels.
Le résultat : une décision collective et évolutive et, si elle n’est pas abandonnée, une conviction bien plus forte qu’elle n’était au départ.
In Fine, la force de la méthode Strong Opinions Weakly held permet de mettre en place dans des environnements complexes et fluctuants une série de filtres plus sophistiqués en manière d’investissement, de produit ou de management.
C’est aussi une autre façon de combiner, harmonieusement et dans le temps, l’intuitif et le rationnel.